Arnaud Maguet – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Arnaud Maguet

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu par les bénévoles de l’AFIAC.

Arnaud maguet

Voyage au centre de la Terre  de Henri Levine / 1959 avec James Mason, Pat Boone et Arlene Dahl / Studios Walt Disney
un ciné-concert par King Kameha & WarmBaby proposé par Arnaud Maguet
La nature illusionniste du cinéma est une nature au second degré. (…) Les appareils, sur le plateau de tournage, ont pénétré si profondément la réalité elle-même que, pour dépouiller de ce corps étranger que constituent en elle les appareils, il faut recourir à un ensemble
de procédés techniques particuliers. Walter Benjamin in L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936)
Après un copieux dîner thématique (brochettes de taupes et salade de courtilières accompagnées de carottes, betteraves et pommes de terre accommodées de diverses
manières) et le soir enfin tombé, la séance peut commencer. Entre l’église et la mairie (les deux mamelles de la France qui demande à d’autres de se lever tôt), le dispositif est en
place depuis plusieurs heures : une camionnette garée en travers de la rue, la porte latérale ouverte laissant apparaître un projecteur 35 mm ; une machine à fumée à forte capacité ;
une table sur laquelle, reliés par un entrelacs de câbles, se trouvent un synthétiseur analogique (Roland SH- 101), un theremin, un delay à bande, une reverb à ressort, un microphone sur pied, diverses percussions (cloche, maracas, vibraslap…), une platine
vinyle, une console de mixage et une guitare (Rickenbacker WaveCrest 1962) branchée via un savant réseau de pédales (que nous préférons ici ne pas dévoiler) à un amplificateur Vox
AC15. Voilà pour ce qui est préparé et, autant que ces anciennes technologies puissent l’être, sous contrôle. Le reste sera improvisé et ne dépendra pas plus du musicien et nonmusicien
qui ont pris place derrière les instruments que de la direction du vent et de l’opérateur qui oriente la propagation de la fumée. La rue s’opacifie. On entend d’abord le rapide cliquetis caractéristique du projecteur. Le faisceau lumineux est enclenché. La musique commence
sur les premières images du générique qui, lorsque la fumée rencontre la lumière au point focal préalablement choisi, apparaissent. Pendant deux heures les bruits s’organisent parfois
en mélodies comme surgissent parfois nettement les protagonistes et leurs actions dans les volutes éparses – pas vraiment comme raconté en 1864 par Jules Verne, pas vraiment non plus
comme raconté en 1959 par Henry Levine. Un volcan islandais, une caverne de cristaux multicolores, des lézards géants, une forêt de champignons, une mer souterraine, les ruines
d’une cité antique, une éruption puissante, des poursuites et des bagarres, quelques hommes, une femme et une happy end – tous ces éléments sont souvent plus nets dans la mémoire
des spectateurs que dans la rue face à eux. Quelques bribes de dialogues tirées d’une version enregistrée pour les enfants dans les années 70 et gravées sur microsillons sont aussi
parfois audibles. Tous les indices sont bons à prendre dans cette narration hétéroclite qui, à force de brouillages visuels et de désynchronisations sonores, se rapproche de la définition du
cinéma discrépant telle que l’énonce en 1951 Isidore Isou dans son Traité de bave et d’éternité. Le rapport au spectacle et au spectateur, comme théorisé par le lettriste, est rude autant pour les artistes que pour le public. Ce dernier, n’étant d’ailleurs (contrairement
aux premiers) pas obligé de rester jusqu’à la fin de la projection, quitte peu à peu le théâtre des opérations.

Lorsque le générique qui clôt la séance est enfin légèrement visible, ils ne sont que peu à essayer de le déchiffrer.
Quelques-uns applaudissent.
Cette technique de projection d’images cinématographiques surde la fumée (ensuite re-filmées) était utilisée par Georges Méliès pour créer l’illusion de la présence fugace d’un spectre à l’écran. Le seul fantôme qui, ce soir de juin 2010, soit apparu avec certitude est celui de l’histoire de la falsification de l’Histoire par la société spectaculaire marchande – en des termes moins présomptueux, une vaste fumisterie perpétrée avec la plus grande application.
Arnaud Maguet

 

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