Bruno Peinado
Fiac 2009 – + si affinité TOTEMS SANS TABOUS
Un événement de l’AFIAC
Commissaire d’exposition : Pascal Pique
Directeur artistique : Patrick Tarres
L’artiste était reçu chez Anny Vandersluy et Patrick Corbarieu.
Etang donné…
Je me souviens d’un été trop chaud à Fiac. Je me souviens de Pascal Pique me proposant de participer à ce projet. Je me souviens ne pas avoir osé refuser. Je me souviens des catalogues reçus. Je me souviens du projet d’Hippolyte Hentgen qui m’a réconforté dans mon choix d’y participer. Je me souviens de la crainte d’une trop grande proximité. Je me souviens du texte de Françoise Quardon dans un des catalogues. Je me souviens de Patrick Tarres et du choix de la date d’une première rencontre. Je me souviens d’un premier rendez-vous manqué avec mes hôtes et d’un dernier concert de Johnny Halliday. Je me souviens des premières sensations et d’une belle soirée trop arrosée au bord de l’eau. Je me souviens du beau rôti de porc au lait comme cadeau de bienvenue et des post-it sur les placards pour nous guider. Je me souviens d’une piscine bâchée devant un étang la nuit. Je me souviens du tout petit matin passé à ranger et à nettoyer notre longue soirée. Je me souviens d’une maison moderne comme dans un magazine au bord d’un étang vert. Je me souviens des sentiments mêlés. Je me souviens d’un golf vert tendre au bord de l’étang vert. Je me souviens d’un petit chalet blanc au bord d’un golf vert tendre.
Je me souviens d’un jeune homme de St-Malo et de Shakespeare au cognac. Je me souviens du chant des grenouilles et des moustiques qui ne piquent pas. Je me souviens avoir passé bien plus de temps dans le petit chalet blanc au bord du golf que dans cette belle maison de magazine. Je me souviens que mes hôtes ne pouvaient pas me loger dans leur grande maison et que je dormais dans le petit chalet tendre au bord du golf vert.
Je me souviens avoir pensé que certaines maisons étaient pour les magazines. Je me souviens de notre première rencontre avec Patrick dans ce petit chalet et de cette douce sensation de déjà se connaître. Je me souviens du goût des cigarettes espagnoles. Je me souviens du rosé bien frais au nom poétique. Je me souviens de Monique et de son accueil. Je me souviens de toutes mes conversations avec Monique et de celles avec Virginie. Je me souviens de cette sensation d’avoir comme on le dit souvent avec un point d’exclamation rencontré “quelqu’un !”. Je me souviens de cette première sensation de maison vide tournée vers un étang trop vert et de ce désir d’y amener de la vie. Je me souviens avoir pensé à Marie-Antoinette jouant les bergères, à Genève jouant à Versailles et m’être penché sur le simulacre et l’oxygénation des bassins de rétention. Je me souviens avoir pensé à un jet d’eau géant dans un étang bien trop vert et aux motifs enjoués que les cercles d’eau pourraient faire dans la vase. Je me souviens de ma première rencontre avec mes hôtes. Je me souviens de leur énergique gentillesse.
Je me souviens qu’ils auraient préféré avoir une exposition dans leur maison. Je me souviens qu’ils aimaient bien mon travail. Je me souviens que mon projet les embêtait un peu car la maison n’était pas finie et qu’il faudrait y faire passer les visiteurs. Je me souviens de la grande baie vitrée vissée à l’étang.
Je me souviens que même si le projet les embarrassait ils s’y sont vraiment investis et y ont participé financièrement. Je me souviens que Douste-Blazy était venu en hélicoptère voir le terrain d’à côté. Je me souviens que l’exposition serait l’occasion de pendre la crémaillère et de faire une grande fête pourleurs amis, leur famille et les golfeurs et que c’est pour cela que je ne pourrais dormir dans la maison. Je me souviens avoir pensé que mon projet était à propos dans ces enjeux de représentation. Je me souviens avoir désiré un jet d’eau versaillais déceptif. Je me souviens que je voulais que le jet d’eau jaillisse par intermittence. Je me souviens qu’il fallait attendre le jet d’eau et que j’aimais cette idée. Je me souviens de l’équipe qui est allée installer la pompe en barque. Je me souviens que mes hôtes ont payé le raccordement électrique de la pompe. Je me souviens du spectacle du premier jet d’eau. Je me souviens des dessins en cercles concentriques créés par le jet d’eau dans la vase de l’étang.
Je me souviens des commentaires heureux sur le fait d’oxygéner l’étang et du bon fonctionnement de la pièce.
Je me souviens du chant des grenouilles. Je me souviens que mes hôtes travaillaient d’arrache-pied afin que leur maison soit finie pour le vernissage. Je me souviens du projet de leur fête de crémaillère. Je me souviens que le pianiste de Nougaro devait venir y jouer du piano. Je me souviens avoir imaginé cette fête sur la terrasse face à la pièce. Je me souviens que les tables furent installées devant la maison sur la route tournant le dos à l’étang et au jet d’eau. Je me souviens que nous ne pouvions rester longtemps à la fête car ce soir là toutes les maisons s’ouvraient dans un ordre bien précis et qu’il fallait être plus ponctuel que nous ne pouvons l’être. Je me souviens des visiteurs qui se mêlaient aux golfeurs.
Je me souviens de mes hôtes qui jouaient le double jeu d’accueillir intimes et inconnus. Je me souviens que les habitants venaient voir tout autant la maison que la pièce. Je me souviens du vernissage sur la place et d’amuse-gueules amusants. Je me souviens des habitants de Fiac et des voisins de la place. Je me souviens d’un marin et de sa femme allemande. Je me souviens de Magalie souriante et de Pascal inquiet. Je me souviens de Patrick. Je me souviens de Monique qui ne voulait pas venir et qui était ravie que nous l’ayons forcée. Je me souviens de mes hôtes sur la place et de leurs habits d’été. Je me souviens de ce jeune homme brillant de St Malo qui avait bien trop chaud. Je me souviens de la conseillère de la Drac tout de blanc vêtue. Je me souviens de notre voiture de location garée sur la place. Je me souviens de quelques projets visités. Je me souviens de mon Stonehenge en bottes de paille. Je me souviens de l’agriculteur prévenant qui les a installées. Je me souviens de ce champ aux cèdres centenaires et du château d’eau timide. Je me souviens que nous étions à l’honneur sur l’affiche. Je me souviens du lendemain et des visiteurs en nombre. Je me souviens que nous étions tenus de recevoir et d’accompagner nos pièces. Je me souviens des longues heures bien trop chaudes à présenter la pièce. Je me souviens avoir désobéi et avoir fui. Je me souviens avoir pensé à cette série des années 60 où Patrick Mc Gohan est prisonnier d’un village dont les habitants sont charmants. Je me souviens des ballons qui éclatent et avoir passé plus de temps dans le chalet tendre à l’autre bout du golf. Je me souviens que mes hôtes recevaient leur famille et que je me sentais gêné de les déranger. Je me souviens de cette piscine dans laquelle nous ne nous sommes jamais baignés. Je me souviens de la touffeur. Je me souviens de cette barque brûlante et de mon tour sur l’étang devant la terrasse emplie de spectateurs. Je me souviens m’être coupé le pied en descendant de la barque. Je me souviens avoir bu mais ne pas avoir mangé avec mes hôtes. Je me souviens avoir mangé les escalopes à la crème de Monique dans le petit chalet. Je me souviens que sous le soleil nous avons bu trop de rosé au nom poétique. Je me souviens que notre conversation était toujours intense et intime. Je me souviens des chats angora de Monique dans la chaleur. Je me souviens que Virginie et moi avons éprouvé le besoin de partir avec notre voiture de location. Je me souviens que nous sommes allés à Lavaur et que résonnaient labeur et lavorro. Je me souviens que nous avons rapporté de notre escapade des chocolats et des fleurs à nos hôtes. Je me souviens de leurs réactions. Je me souviens avoir fait le tour des maisons et des expositions alors que je devais rester sur la terrasse devant ma pièce. Je me souviens de quelques pièces et du projet de Sophie Dubosc. Je ne me souviens que très peu d’art. Je me souviens de ce beau moment avec Myriam Mechita et Chloé Mons sous les pins dans l’herbe. Je me souviens de Chloé faisant du quad dans des collines comme dans un tableau du quattrocento. Je me souviens de la splendeur de ce paysage parfois semblable à la Toscane. Je me souviens des hôtes de Myriam et de Chloé. Je me souviens avoir fait aussi un tour de quad seul dans ce paysage.
Je me souviens que nous avons bu des margaritas tous ensemble et que c’était fort et bien. Je me souviens de ce moment et de cette sensation d’appartenance à un groupe. Je me souviens que nous devions nous revoir le soir mais que nous nous sommes ratés et que c’était mieux comme ça. Je me souviens que ce soir là nous devions manger avec les doigts et que nous n’avions pas le choix. Je me souviens ne pas avoir apprécié ce repas. Je me souviens avoir discuté longuement avec la femme du Maire sans savoir qu’elle était la femme du Maire et que nous avons rigolé et parlé de choses fortes de la vie. Je me souviens de beaucoup de moments forts et de très longs moments d’ennui. Je me souviens avoir voulu fuir cette communauté. Je me souviens de belles rencontres. Je me souviens d’un été bien trop chaud à Fiac.
Bruno Peinado