Ghislaine PORTALIS – + si affinité 2005

Ghislaine Portalis

Fiac  2005  –  + si affinité

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez Eva Gustafsson et Jacques Monllau

Chez Eva et Jack / 3 espaces, 3 projets à caractère intime, sensuel / La cuisine, le salon, la chambre.

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac

 

Ghislaine,

Comme tu le sais peut-être déjà, Patrick a demandé aux familles et aux artistes de l’AFIAC 2005 d’échanger par courrier autour de l’exposition et de l’événement pour les besoins du catalogue à venir. Je dois dire que son idée m’a déplu dans un premier temps : il me semblait difficile de reparler “à froid” d’un événement que nous avons vécu aussi intensément, autant “à chaud”.
D’une certaine manière tout y était déjà en direct-live : la découverte d’une approche artistique en générale, la découverte d’une partie de ton travail en particulier, la dimension humaine avec ce que nous avons vécu pendant trois jours et avec la rencontre d’un public qui n’arrêtait pas de défiler, même quand nous essayions d’avaler un morceau vite fait en guise de déjeuner.

Je ne voyais pas ce que pouvait amener une “médiatisation” de notre vécu, à nous d’abord mais aussi au public pour qui ça ne peut être qu’une piètre retranscription, alors que cela nous a tellement fait vibrer et vivre intensément. D’autre part, la correspondance par écrit me semble être profondément intime et correspondre pour être lu par plus de personnes que le destinataire frôle quelque part la perversion à mes yeux. Tout ceci pour mes réticences ! Fidèle à mes habitudes, j’exagère évidemment en parlant de perversion.

Et puis hier soir, lors d’un café d’art contemporain au village, le thème étant l’art et la nourriture, l’intervenante Stéphanie Sagot nous parlait de son travail et surtout nous montrait des réalisations géniales autour du repas. Sur le chemin du retour, ton travail m’est revenu à l’esprit et avec lui l’exposition de cet été. C’est justement le repas et tout ce qui se passe qui m’a fait repenser à ton travail et qui m’a donné envie de t’écrire. Je repensais aux bols du petit déjeuner, à la vidéo et au tableau où le “fil rose” était justement le repas. C’est une grande chance pour moi d’avoir pu participer un peu à l’élaboration de cet ouvre mais surtout d’avoir eu l’occasion de vivre avec pendant trois jours. Ca m’a permis de mieux ressentir l’ouvre et de laisser les premières impressions évoluer vers une compréhension plus profonde.
Il me reste toutefois des interrogations, notamment en ce qui concerne ton approche, en tant qu’artiste d’art contemporain, de la vidéo. Tu nous avais montré ce que tu as fait depuis que tu as commencé à t’intéresser à la vidéo et j’ai trouvé que les deux petits films, la toupie et le seins suintant, était captivants. Comme nous nous sommes amusés avec Jacques à faire chacun un montage à partir des rushes enregistrés pour l’occasion de ton travail à l’AFIAC 2005, je me suis aperçu que mon approche de la vidéo reste très classique. Je pense en terme de plans isolés constitués de son et d’image reliés au montage pour donner du sens et même pour raconter une histoire. Et je me suis dit que ce serait très intéressant pour moi, mais peut-être aussi pour un public plus large, d’avoir ton point de vue sur l’image en mouvement dans ton travail. Qu’est-ce que tu cherches dans les rushes ? Est-ce le temps, la couleur, le mouvement, le son, le tout ou autre chose ou pourquoi pas rien ? Pourquoi un plan plutôt qu’un autre, quel rôle tient le montage, le son ?
Comme je n’ai aucune culture d’art contemporain et que la rencontre avec toi, ton travail et l’AFIAC m’ont donné envie d’aller plus loin dans la compréhension, je serais curieuse de savoir.
Et comme c’est l’image en mouvement qui est le domaine artistique qui m’est le plus familier c’est aussi là que les questionnements apparaissent le plus naturellement.
Je ne sais pas si ça t’intéresse de te lancer dans ce petit échange de courrier en vue d’être lu plus largement que par le destinataire mais en tout cas j’espère que tu te portes bien et que l’année 2006 sera une belle année pour toi.
Amitiés,
Eva

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac

Bonjour Éva.
C’est vrai que c’est difficile de décrire ses émotions longtemps après cet événement particulièrement créatif… Néanmoins je vais essayer de répondre à tes questions.
Mon travail est souvent intuitif au départ. Quand je trouve des objets, des formes qui correspondent à mes préoccupations, je les compose, je les mets en forme jusqu’au résultat qui semble me satisfaire.
C’est en 1998 dans une exposition au musée de Gray en Côte-d’Or que j’ai imaginé mon premier repas sensuel avec mes objets roses et noirs posés sur nappe en tissu-éponge rose.
Cette approche de l’érotisme m’a conduit à découvrir “la jatte de la laiterie de Rambouillet”.
Que faire avec cet objet si connoté ? (première vidéo) c’est en mettant la pointe du sein en équilibre sur un miroir que le mouvement tournant fut lancé. (2° vidéo) les préservatifs remplis de lait percés, installés sur une pile de serviettes roses évoquent l’allaitement, la fécondation….
La même représentation pour la 3° vidéo. Toute cette description pour te montrer que la vidéo de FIAC est récurrente dans mon travail. Quant à la technique, je l’ai élaborée de la même façon, prise de vue très simple sans surcharge, la composition des personnages (vous) un peu statique doit évoquer les portraits de genre du 18° siècle.
La couleur rose domine, le son de la chute du lait séquencée provoque un fort contraste dans le film.
Ce fut un bonheur d’échanger et de travailler ensemble dans votre maison. Je vous en remercie sincèrement.
J’espère avoir répondu à tes questions. Si tu as besoin d’autres informations, dis-le moi.
Je n’ai jamais pu ouvrir sur mon mac vos vidéos, je ne comprends pas pourquoi ?
As-tu une réponse ? A bientôt amitiés,
Ghislaine

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac

POESON…
Au pied de mon hêtre
je visais Zorro
Près du capitaine quand vint à passer Guylaine
Palsembleu nous eûmes
deux bols magistraux
Deux seins bols, symboles de souveraine
De Marie-Antoinette
Sein chaud du matin réchauffe l’indigène
Merci madame… l’es-tête !

Une châtelaine
Nous porta calices
Six sabots fourchus portant le téton de la reine
Déjeuner filmé
Fut le synopsis
Trois jours durant des mains auraient voulu
tâter de l’auréole
Mordiou hasard, royal il eut fallu
Nous eûmes plus de… bol !

Jacques, sur l’air “Les sabots d’Hélène”
merci à Georges B.

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac

Chez Eva et Jack
3 espaces, 3 projets à caractère intime, sensuel.
la cuisine, le salon, la chambre.

la cuisine
cuisine moderne intégrée lumineuse, au centre de la pièce une table ronde que j’ai recouverte d’une nappe souple rose juponnante comme un moule à tarte “alèse imperméable” au centre deux bols côte à côte renversès s’exhibent comme une poitrine (des jattes XVIIIe siècle en porcelaine de Sévres de la laiterie de Marie-Antoinette à Rambouillet).
Cette installation qui renvoie au martyre de Sainte-Agathe (peinture de Zumbaran) refus de possession, du désir, d’amour charnel. C’est aussi l’évocation de la maternité, d’un repas sensuel dévorant…

le salon
un canapé moelleux, une table basse, une télévision diffuse en boucle des images d’un petit déjeuner de mes hôtes. Repas en apparence calme, sérieux. Dans un demi sommeil, eva et jack prennent à deux mains les jattes/seins remplies de lait, entourés de pots de confiture, de miel, de pain, de beurre… Des images de gouttes de lait sur les rebords de la nappe rose tombent dans les joints du carrelage. Ces moments s’intercalent à plusieurs reprises dans la vidéo. Cette scène d’intérieur me fait penser à une nature morte qui serait à la fois classique et contemporaine.

la chambre
un grand lit, une armoire à glace, une fenêtre avec des rideaux de dentelle dans l’intimité de leur chambre au dessus du lit, un tableau intitulé “moucharabier” composé de deux parties.
Deux grandes images retenues par des aiguilles de tapissier.
La première représente un morceau de gravure du XVIIe siècle d’Abraham Bosse : un repas de femmes en l’absence de leur époux. le texte original de la scène qui n’est pas reproduit, parle de conversations de femmes joyeuses, moqueuses, lubriques. La deuxième image placée au premier plan est une composition d’un modèle de lingerie actuel coloré et découpé qui fait apparaître la scène de repas des femmes.
La visite se termine volontairement dans la chambre. Le passage du repas au lit mène à tous les fantasmes possibles. Rituel immuable.

Ghislaine Portalis + si affinité 2005 Fiac