Myriam Mechita et Chloé Mons
Fiac 2009 – + si affinité TOTEMS SANS TABOUS
Un événement de l’AFIAC
Commissaire d’exposition : Pascal Pique
Directeur artistique : Patrick Tarres
L’artiste était reçu chez Dorine, Christophe et Luna Larroque.
La chambre devait être transformée, seul le lit comme un socle devenait
le support à une carte du tendre.
Les crânes se déployaient comme des montagnes et des vallons, des cristaux,
des larmes de quartz créaient des chemins à parcourir.
Nécessaire pour retrouver l’autre.
Tout était vidé du quotidien, et de l’amour physique, seule l’appartenance
à l’autre liait le tout.
Une femme énonce cette lettre qui appelle, qui rappelle.
Elle tourne en rond, déambule, attend et chante une chanson accompagnée
d’un ukulélé, une chanson d’amour, une chanson sur les éléments
et leur force de transformation.
Le temps en suspens, sur l’amour espéré, un temps en dehors de tout,
où le corps animal ne peut s’arranger.
Myriam Mechita
Lettre à l’inconnu (texte de la performance) lue par Chloe Mons
Les jours sont plus longs que jamais, et je ne comprends plus les effets de surprise.Je me suis vue regarder ma main et estimer la distance entre la mienne et la tienne.
Vingt-six fois la distance de mes lèvres aux tiennes.
J’en suis sûre.
Ça doit être le vent qui remplit cet espace un instant.
Quelquefois c’est comme de la chance, quelquefois j’y pense comme une chance
de se voir en dedans.
Tu es mon homme, celui qui me transforme. Nous devons nous transformer.
Un jour je serai fille de l’eau, une perle de sueur qui passera de ton front
à mon cou, ça ne peut pas être autrement.
Je le regarde, lui ne me voit pas en dedans comme moi.
Quelquefois c’est comme une malchance de ne pas se voir en chaîne,
ça permettrait de ne plus s’oublier.
Je descends quelquefois dans le noir profond, et j’ai des soucis pour remonter.
Mais je me contrôle, c’est peut-être juste pour me rappeler à lui.
C’est quelque fois si dur.
Est-ce que tu me laisserais te rendre fou ?
J’aimerais tant,
Te respirer et me retirer pour pas que tu me voies, me dérober en permanence, et
revenir, t’aveugler comme au moment de nos morts communes. Je te vois adossé
au mur, attendre, attendre, je marche à côté de toi et je fais semblant de te parler
de ma vie.
D’ailleurs avec toi je suis dans ce temps où le temps n’existe plus
Je ne peux plus te deviner, je ne te vois plus
Quelquefois c’est si dur de ne plus te respirer
Je suis avec toi le matin,
Viens avec moi, viens avec moi dans la profondeur du jour
Nous aurons l’habitude de nous toucher, nous aurons l’habitude de nous croiser
Nous aurons l’habitude de nous frôler
Je pourrai faire tout ce qui est possible pour voir
au loin et même essayer de me lever tôt,
pour que nos jours soient longs et frais
Quelquefois je pourrai même te laisser
t’endormir avant moi
Je pourrais
Nous devons faire attention, je te vois dehors,
contre ce mur, je sais que tu te sens libre.
Je crois que je sais ce que tu penses
Je sais toujours ce que tu penses, je te vois adossé
à ce mur,
Je sens les choses.
Je pourrais aller tellement loin, tellement loin
un moment pour toi
Je pourrais le faire,
Je te vois endormi à côté du mur, dans ce lit
qui vibre comme une onde radio
Où penses-tu que je sois partie un instant ?
J’ai filé dans le vent, me perdre un instant
Je pourrai aller si loin, pendant un moment,
je crois que je dois le faire
Je dois le faire pour l’instant
Je te vois dehors près du mur du jardin, tu dois
te sentir si libre, tu as quelquefois ce genre
d’idée.
Dans toutes les choses que tu penses, les choses
vont mieux, tu sais
ce qui s’est passé de mieux.
Tu devrais venir vers moi, un instant, tu devrais
venir vers moi,
Juste pour toutes les choses que nous pourrions
faire ensemble
Je ne les ai jamais faites avant
Avant toi, personne ne me les a fait comprendre.
Tu devrais courir vers moi, pour tous ces instants
où nous étions le vent
Je ne veux rien en retour, je ne veux rien en
retour, je ne t’ai jamais rien donné
de toute façon, tout était déjà a toi.
Pars, mets toi sur le départ, comme un cheval de course, ouvre tes yeux, pour
les millions d’années qui arrivent, tu coures vers moi, comme une course sans fin,
Mais je t’attends en face, je n’entends plus rien, même plus le rythme de mon coeur,
Je suis sourde à tout bruit extérieur, je suis sourde, sans profondeur.
Je ne veux rien en retour, quelquefois je n’attendais rien en retour,
et tu ne m’as rien donné
C’est si dur quelquefois vraiment
Quand tu m’entends, sais-tu que c’est moi ?
Comment le sais-tu ?
Je sais que tu coures toujours, tu coures toujours, mais porté par le vent.
Je sais que tu coures. Ton souffle perdu.
Je sens les résistances, quand je fais des choses qui ressemblent aux tiennes
Mes mains sont nues,
Je me souviens très bien de toi quand tu me prenais pour celle qui pouvait partager
des choses avec toi, tu pensais que je faisais quelque chose pour la couleur
de ma peau.
Tout va bien
Je n’ai pas besoin de ça, qui pourrait le dire ?
Je les ai vues tes mains, elles sont aussi nues que les miennes.
J’ai à nouveau le vent dans mes cheveux, quelquefois c’est un tremblement
qui me permet de me souvenir de toi, très précisément.
Des fois je devrais être plus vieille,
Quelquefois ce serait comme un départ pour un endroit où l’on se tiendrait
les mains.
Les gens me voient comme une fille qui descend, mais je descends parce que
je ne connais rien autour de moi de plus solide.
Je dois être la seule
Je dois être la seule à t’avoir vu libre contre ce mur
Quelquefois je me dis que c’est une chance de t’avoir vu enchaîné à moi
de cette façon.
Enchaîné, et je te vois revenir dans mon entourage, tu es complètement
sous contrôle.
Je suis de celle qui ne peut pas comprendre
Je suis de celle que l’oubli n’atteindra pas.
Je suis de celle qui voit dans le noir.
Je regarde ton souffle, et je repars.