Artites invités : Abdelkader Benchamma, Laurence Cathala, Marie Dainat, Gaël Bonnefon, Rémi Groussin, Lionel Sabatté, Ingrid Obled, Studio 21Bis, Hugo Verlinde, Maeva Barrière.
Commissariat : Patrick Tarres, Directeur artistique de l’AFIAC / Valérie Mazouin, Directrice du Centre d’Art Contemporain La Chapelle Saint-Jacques / Arnaud Fourrier, Directeur du Centre d’Art Le Pavillon Blanc.
LA THÉMATIQUE DE LA 14ème EDITION
Difficile d’évoquer le spectaculaire sans convoquer directement ou indirectement la pensée de Guy Debord qui, dans La société du spectacle, critiquait le fétichisme de la marchandise pour dénoncer le pouvoir aliénant de cette dernière au service du capitalisme. Nous ne nous y attarderons pas car nous devrions aujourd’hui en être convaincus. À l’heure où tout ce qui peut faire image fait spectacle, le champ de spectacularisation s’étend au-delà de toute éthique, posant ainsi la question esthétique qui sépare le spectaculaire du sublime, au sens de pouvoir et effectivité de l’œuvre d’art.
Les artistes invités à participer à cette 14ème édition de + si affinité ne font pas spectacle, pourtant ils jouent avec nos sens jusqu’à les troubler, ils peignent le grandiose pour le dépeindre ou le dessinent à dessein, invoquent le merveilleux comme le monstrueux, érigent le minimal en monumental ou l’inverse, installent des décors et pratiquent le faux, utilisent le son, l’image et les nouvelles technologies, leur palette d’effets semble empruntée au cinéma comme au spectacle vivant. Ce qui est différent, c’est la propension qu’ont ces acteurs de l’art contemporain à faire place à l’expérimentation, au hasard et à l‘accident, c’est peut-être en cela que réside la différence, leur spectaculaire est aléatoire.
La programmation artistique de Spectaculaire aléatoire est le fruit d’un co-commissariat, comme il est d’usage entre l’AFIAC et les acteurs du réseau d’art contemporain de Midi-Pyrénées. Cette année les deux commissaires que j’ai le plaisir d’inviter à partager cette aventure artistique et humaine sont : Valérie Mazouin, directrice artistique du centre d’art La Chapelle Saint-Jacques à Saint-Gaudens et Arnaud Fourrier, directeur du centre d’art au Pavillon Blanc, Médiathèque / Centre d’art de Colomiers.
Patrick Tarres / Directeur artistique de l’AFIAC
Spectaculaire aléatoire. Soit. La première chose à laquelle j’ai pensé à l’énonciation de ces deux mots juxtaposés est une image de feu d’artifice issue d’un film de morts-vivants, Land of the Dead de Romero. Au début du film, les survivants s’organisent en convois pour faire la razzia des supermarchés. Pour détourner le regard des morts-vivants, ils utilisent des feux d’artifices. Ils captivent leurs regards hypnotisés par le spectacle et la beauté éphémère des explosions pour piller, tuer et voler. C’est à la fois beau, éblouissant et d’une symbolique brutale. Les morts-vivants c’est nous les spectateurs, les gens. Le feu d’artifice peut-être n’importe quoi : le spectacle, mais aussi l’art, le beau, un bref flash aveuglant, un décor, un faux semblant, une fausse monnaie. Dans le film, les morts-vivants commencent une révolution lorsqu’ils parviennent à s’émanciper de ces perverses feu-d’artifices… Un ami m’expliquait récemment qu’il avait vu ces morts-vivants comme des personnages capables d’une sensibilité dont les hommes n’étaient plus capables. Je les regardais comme les otages de la beauté. Bien sûr la morale de l’art nous rappelle sans arrêt Debord, la société du spectacle et sa nécessaire critique. Mais l’art réside aussi (d’abord ?) dans ces gestes fulgurants capables de captiver les yeux et la conscience. Dans ces explosions qui se suffisent à elles-mêmes et n’ont pas besoin de chemins de traverses et d’explications pour faire oeuvre.
L’invitation aux artistes pour cette édition de + si affinités tient dans cette première image. Le lien est parfois intime, parfois intellectuel, parfois très littéral. Pour Abdelkader Benchamma, cela remonte à son exposition intitulée Memory Time au centre d’art de Colomiers lors du Printemps de Septembre 2009. Il avait peint une immense fresque sur la voute en plein cintre du centre d’art, une image qui oscillait entre l’explosion et l’implosion. Les spectateurs restaient souvent plusieurs minutes la tête tordue vers le plafond… un peu comme les morts-vivants de Land of the Dead, fascinés par la beauté du geste et l’explosion de matière. Son travail est tout tourné vers la transformation des états de la matière. Mais je retiens son dessin pour sa beauté éruptive et hypnotique, le vagabondage de l’imagination dans lequel ils nous entrainent. Pour Rémi Groussin, plusieurs oeuvres retiennent l’attention dans son parcours. Son intérêt pour le décor, la chute, les motifs du spectacle et du faux (affiche, estrade, rideau, performance, cinéma, faux marbre…). Il a aussi produit une performance-vidéo, Wracked, où on le voit visiter le Musée d’art moderne le K20 avec la tête ensanglantée. Lui ce serait le mort-vivant, les oeuvres le feu d’artifice. Au contraire, on ressent dans les oeuvres du photographe Gaël Bonnefon la violence de la vérité, la décadence du vrai. Le spectacle est une fête aux couleurs sombres et aux ambiances de fin de soirée.
Au final, il y a des points communs entre ces artistes : la violence et la beauté du geste, le spectacle du faux et du vrai dont nos regards de spectateurs se délectent, une certaine forme d’état catastrophique et aléatoire.
Arnaud Fourrier / Directeur du Centre d’Art Le Pavillon Blanc
Le 16 Mai 2013
Cher Patrick,
Pas un jour, depuis ce mois de Décembre, résonnant de ton coup de téléphone, sans que je ne pense à cela.
Fiac, le village, Fiac, les maisons et ses habitants.
L’odeur de l’herbe coupée dans la nuit,
les phares sur le bas-côté, les fossés enjambés,
les pelouses traversées, le sirop offert dans la chaleur du plein après-midi.
Du côté du public, je découvre, alors, des oeuvres et des lieux.
Cette fois, c’est différent, je suis invitée à inviter.
La proposition me plonge dans un abîme de perplexité.
Thématique choisie Spectaculaire – Aléatoire.
Comment s’emparer de ces deux mots ?
Je pense, comme toi Patrick, comme tous vont y penser d’ailleurs, à La société du spectacle mais je ne me sens pas proche des théories marxistes de Debord.
De plus, la diffusion des images, j’y participe et je la souhaite. Tu sais, la complication de cette programmation vient du fait que je ne peux penser au spectaculaire, proprement dit, car je n’en ai pas le goût. L’aléatoire, au contraire, me ravit, il m’apparaît fragile tel un mouvement qui induit le doute et la possible disparition.
Du coup, mon spectaculaire, je lui donne l’allure d’un faux-événement où l’impressionnant, le remarquable, fabriquent l’indicible spectacle. L’aléatoire, lui, continue de se produire, de se définir, précisément dans de l’hypothétique. Il y a, dans cette volonté, la recherche de ce que nous sommes et du ton donné par chacun à sa propre histoire.
Tu remarqueras donc que les artistes que j’invite offrent un travail soit obsessionnel et minutieux de collecte pour Lionel Sabatté, soit de répétition, de césures, coupures et retraits pour Marie Dainat ou encore de quête d’un hasard sonore pour Ingrid Obled. Tous convoquent le spectaculaire imperceptible et l’aléatoire précis. Ce dialogue qui s’installe entre des artistes, des habitants, des commissaires c’est, je crois, convier au spectacle d’existences mêlées. Tu vois, ce que je pense important c’est qu’ici, se révèle le fragile des vies impatientes, impertinentes, au-delà d’un show de par trop prévisible. C’est cette place-là qui m’importe et que je te confie.
J‘ajoute que cette proposition est un moment privilégié.
J’aime qu’il convoque sans restriction.
Alors, merci encore Patrick. À très vite.
Valérie Mazouin / Directrice du Centre d’Art Contemporain La Chapelle Saint-Jacques
Forts de leur collaboration depuis maintenant douze ans, les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées et les organisateurs de AFIAC + si affinité s’unissent cette année encore dans cette aventure unique autour de la rencontre de l’art contemporain et des habitants du territoire fiacois. L’édition 2013 sous le titre générique de Spectaculaire aléatoire, nous propose à nouveau une rencontre impromptue d’artistes contemporains chez les habitants de ce territoire du Tarn qui accueillent le temps d’un week-end au sein de leur propre demeure des oeuvres contemporaines produites pour l’occasion.
Le Frac Midi-Pyrénées développe depuis 2000 une programmation prospective et innovante. Cette diffusion de l’art contemporain s’appuie sur de nombreux partenariats privilégiés comme ici avec le projet mené par Patrick Tarres et son équipe sur le territoire de Fiac. Cette activité particulièrement dense et variée, participe à la diffusion de l’art contemporain et au soutien de projets émergents. Ces actions ont ainsi permis d’expérimenter de nouvelles modalités de création et de diffusion tout en favorisant la redécouverte de l’environnement naturel et humain régional. Elles répondent à une mission unique d’animation et d’irrigation du territoire, aux côtés des centres d’art, des résidences et des associations régionales.
Les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées poursuivent ainsi d’année en année leur mission d’aide à la production d’oeuvres afin de réveiller les imaginaires et la créativité qui traversent notre monde. Face au doute d’une société contemporaine toujours changeante, gageons que cette nouvelle édition de AFIAC + si affinité 2013 nous permette d’ouvrir de nouveaux horizons vers un imaginaire créatif et onirique où le choix des artistes invités par les commissaires de cette édition, Patrick Tarres, Valérie Mazouin et Arnaud Fourrier, nous permettra un moment d’évasion unique, l’espace d’une promenade dans les vallons de la Communauté des Communes du Lautrécois – Pays d’Agout.
Surpris nous le serons sans doute, nous l’espérons sûrement.
Les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées