François Chaignaud
Fiac 2009 – + si affinité TOTEMS SANS TABOUS
Un événement de l’AFIAC
Commissaire d’exposition : Pascal Pique
Directeur artistique : Patrick Tarres
L’artiste était reçu chez Naomie Burlet et Raphaël Ochem
On ne sort pas à Fiac, on rentre. On rentre chez les gens, on rentre à la maison, on rentre dans l’intérieur des foyers. À Fiac, on ne sort pas en ville, on rentre à la campagne, on ne sort pas au Musée, on rentre chez les inconnu(e)s, on ne va pas courir dehors, on va s’enfermer dans les salons. Alors à Fiac, on n’a pas envie d’exposer, mais d’exploser, on n’a pas envie de construire, mais de creuser, on n’a pas envie d’accrocher mais de décrocher.
Alors à Fiac, l’art ne pouvait pas dégouliner sur les murs, ruisseler et resplendir ; il devait être englouti par les murs, être ravalé, caché, invaginé ; il devait être la vision négative d’un suintement, l’envers d’une infection, une déglutition.
Quand on rentre chez Naomi, elle s’est fait absorber par les murailles qui l’abritent. Elle a rejoint les milliers de cadavres qui trépignent derrière nos cloisons, elle dialogue avec les ancêtres, les pervers, les fantômes, les amants, les tyrans, les zonards que l’on espère tenir à distance, à l’écart de nos vies.
En s’engouffrant à l’intérieur de ses murs, elle a pris contact avec ce peuple immense, ces macchabées menaçants ; elle en est devenue la porte-parole, implacable, invincible, désabusée. Elle vous observe, vous surveille, vous protège, vous prévient, vous alerte. Vous êtes hilares et tétanisés. Devez-vous la rejoindre ?
Plus tard, par la fenêtre, piégés dans la venelle aveugle, vous apercevez d’autres hérauts ; ils fulminent et supplient. Ils chantent, se réunissent…
Pendant trois jours, dans une intensité exceptionnelle, nous avons essayé un art de mort-vivant, qui aurait la permanence de ce qui est défunt, et la fragilité vacillante de ce qui vit encore. Nous nous sommes enfouis dans les murs, en nous-mêmes et en l’un(e) et l’autre pour rendre visible des visages inconnus et familiers.
François Chaignaud
Sur la place du village au numéro 10, il faut monter au premier étage de la maison aux volets bleus. Arrivé dans l’appartement, il faut parfois attendre dans la cuisine, assombrie par le croisement des vantaux, à peine éclairée de quelques bougies ; la chambre exiguë qui accueille l’installation ne peut être visitée que par trois personnes en même temps. En patientant, on observe les visiteurs qui viennent de sortir, en train d’écrire leurs impressions.
Il faut ouvrir une porte et bien la refermer derrière soi. C’est une chambre obscure, presque étranglée, une musique s’échappe des murs. Après quelques pas, avancés à tâtons dans ce couloir étroit, une lueur mystérieuse apparaît, dans un coin, en haut du mur. En levant la tête, se dessinent un visage, des yeux sombres, un bras lascif, un regard. Un dialogue muet se noue avec l’habitante de ces murs.
Au bout de ce corridor occulte, une porte s’ouvre sur la lumière du jour, éblouissante. À droite, par la fenêtre ouverte, scintillent les reflets indéchiffrables d’un miroir creusé dans le mur. L’oreille guide le regard vers une guérite suspendue en contrebas ; un chant, des yeux pailletés, un nouveau visage vous regardent.
Naomi Burlet