Nicolas Daubanes
Viterbe 2010 – + si affinité Fantasmagoria
Un événement de l’AFIAC
Commissaire d’exposition : Pascal Pique
Directeur artistique : Patrick Tarres
L’artiste était reçu chez la famille Monique Pascal.
Le projet « Naître plus que poussière »
est la réalisation de la « mue » de la
chambre d’une habitation.
La réalisation de cette « mue » permet,
dans un premier temps, le prélèvement
des poussières demeurées à
l’intérieur de l’habitation. Je précise
que 90% des débris qui reposent dans
un habitat proviennent des occupants
eux-mêmes (cheveux, peaux mortes…
etc). Ainsi, lorsque je parle de « mue »,
je convoque aussi, par conséquent,
la mémoire des corps. J’emploie un
matériau qui, une fois retiré, prend
l’apparence d’une peau morte, une
squame. Celui-ci est un bi-composant
silicone principalement utilisé pour le
nettoyage des murs des bâtiments
historiques.
Ce produit, liquide dans
un premier temps, s’applique sur les
murs d’un édifice, puis suite au séchage,
la membrane formée est retirée
telle une peau ; celle-ci capture tous
les dépôts et particules «meubles» du
support initial. Cette opération permet
la rénovation d’un lieu sans l’endommager
en profondeur. La souplesse
de cette peau contredit, en somme, la
rigidité des murs sur lesquels elle a été
apposée, pour évoquer le sentiment
du souvenir d’un lieu, à l’appui des
déformations imputables aux effets du
retrait. Il s’agit bel et bien de réaliser
ainsi une peau morte, l’empreinte
d’une partie de l’intérieur d’une maison
contenant les restes et poussières
de ses anciens occupants. De surcroît,
ce produit ayant la particularité de
capter la moindre aspérité d’une
surface, les gravures et cicatrices des
murs, les stigmates et griffures, sont
rendues perceptibles. C’est aussi une
tentative pour intercepter un moment
de la vie d’un lieu, d’en effectuer
l’« impression », imprégner ce présent
de la membrane des traces constitutives
du passé de sa matrice.
Le produit doit être appliqué en fine
couche et en une seule fois. Lorsque
je le disjoins de son support, il risque
de se déchirer. J’assume totalement
cette conséquence dans la présentation
du travail puisque la mémoire,
les souvenirs, sont eux-mêmes sujets
à la fragmentation, au morcellement.
Théoriquement, ce composé chimique
à base de silicone se conserve
plusieurs centaines d’années, donc
l’empreinte du lieu est censée survivre
à ce dernier.
Au gré de cette mue produite au
semblant d’un tégument dont on
se défait, ce travail traite de la transformation
; une ouverture sur la vie
future, un nettoyage du passé, tout
en l’incorporant soigneusement.
J’ai travaillé chez Monique qui réside
à l’année dans un chalet dont la vocation
première était d’être une location
de vacances.
A la bordure d’un golf, la précarité
de ces habitations et de ceux qui
les occupent tranche avec l’apparente
aisance sociale des habitués du
terrain.
Cette situation de « frottement »
a motivé l’installation des « peaux »
sur le terrain de sport, un « magnifique
jardin interdit » pour Monique…
Ces « mues » semblent s’inscrire
dans la nature à l’instar de celles
des serpents, découvertes au pied
des arbres ou sur la pelouse…
Nicolas Daubanes