Nicole Tran Ba Vang
Fiac 2005 – + si affinité
Un événement de l’AFIAC
Commissaire d’exposition : Pascal Pique
Directeur artistique : Patrick Tarres
L’artiste était reçu chez Nelly et Jean-Pierre Boyer
« … donc je suis »
Installation vidéo, 2005 / 4 DVD intallés sur 4 colonnes disposées en carré / Durée : 3 mn
Chère Nicole,
L’occasion nous est donnée d’entretenir un petit courrier pour reparler de ce qui furent ces journées de l’AFIAC. Je ne t’écris pas à l’ombre des acacias, mais devant mon feu de cheminée !
On peut dire que c’est à l’ombre des acacias que se sont déroulées ces journées entre repas, discussions, réception des visiteurs et « siestes flashs » Je garde de toi le souvenir d’une Parisienne arrivant avec son ordinateur et me (nous ??) faisant oublier vaches, tracteur, bottes de balles, que tu as appelés « rôtis ficelés » en arrivant… pour nous proposer ton travail sur l’apparence et l’identité… Tout un programme…
Je t’embrasse et je laisse ma plume à Jean-Pierre…
Nelly
Chère Nicole,
Tout d’abord, meilleurs voeux de bonheur et de santé.
Ton travail ne nous a pas laissés indifférents ; et toi, quel souvenir gardes-tu de l’AFIAC et des Fiacois ?
A bientôt
Jean-Pierre
Paris, le 10 février 2006.
Chers Nelly et Jean-Pierre,
Ce n’est pas non plus à l’ombre des acacias, ni d’ailleurs devant un feu de cheminée que je n’ai pas que je vous écris, mais dans mon atelier, allongée sur le canapé avec, en guise de plume, mon ordinateur posé sur les cuisses pour me tenir chaud. C’est fou ce que les ordinateurs peuvent faire de nos jours. Et puis, je tiens à respecter la description que vous faites de moi !
Le canapé me permet de parer aux éventuelles attaques de « sommeils flashs » sans risque et concernant les rôtis ficelés comme des bottes de balles (ou vice versa), c’est sans doute votre métier qui m’a fait les voir ainsi…
En vous lisant, une chose incroyable m’est apparue : vous avez la même écriture ! Sans doute parce que vous portez le même nom ? Le hasard a fait que le modèle de ma photo utilisée pour l’affiche de l’AFIAC s’appelle aussi Boyer : Anne-Claire Boyer. Je vais lui demander de m’écrire pour vérifier son écriture avec la vôtre pour tirer tout cela au clair. Ou bien est-ce toi, Nelly, qui a écrit ce que Jean-Pierre te dictait, ou alors as-tu écrit en te « mettant à sa place » ?
Vous voyez, c’est une obsession chez moi, on en revient toujours à la question de l’apparence et de l’identité ! D’ailleurs Jean-Pierre avoue que mon travail ne vous a pas laissé indifférent… bien sûr, puisque vous êtes pareils !
J’ai beaucoup aimé participer à l’AFIAC. Je l’ai vécue avant tout comme une aventure humaine inattendue et très enrichissante.
Lorsque Pascal Pique m’a invitée à concevoir un projet in situ à Fiac, je me suis tout d’abord demandée s’il ne s’était pas trompé de personne.
L’effet de surprise passé, ce projet m’est vite apparu comme une occasion pour vivre une expérience très libre avec quelques “figures” imposées : Nelly et Jean-Pierre Boyer.
Mais qui sont Nelly et Jean-Pierre Boyer ?
La question à elle seule m’intéresse. Une question à laquelle je ne me soucie pas de répondre. Qui sommes-nous ? Cette question doit rester une question à laquelle on n’arrête pas de répondre. Dès notre première rencontre, je vous ai proposé d’être acteurs de vous-mêmes. Je vous ai demandé de choisir la tenue dans laquelle vous vous sentez le mieux, celle qui vous représente le mieux. Je voulais faire une vidéo avec une unique scène.
Chacun entre dans le salon, va s’asseoir dans le grand fauteuil pour affirmer :
– Je suis Nelly Boyer.
Ou bien :
– Je suis Jean-Pierre Boyer.
La même tenue devait ensuite être endossée par le plus grand nombre de gens du village pour refaire cette même et unique scène. Chacun était tenu au secret. Personne ne devait savoir ce que j’allais leur demander de faire. J’ai effectué un montage fusionnant les différentes personnes les unes dans les autres afin d’obtenir une espèce de vertige. J’ai pensé au roman de science-fiction “Dune” de Frank Herbert où, avant qu’une Élue se transforme en une Bene Gesserit, il lui faut survivre à une épreuve extrêmement difficile. Ce passage est ritualisé par une cérémonie où elle ingère un poison violent : l’Eau de la Vie. Si elle survit, la Bene Gesserit accède à une mémoire collective interne qui remonte au début des temps humains, remontant la longue liste de ses ancêtres. Dune m’a fait découvrir la science-fiction qui m’a passionnée de nombreuses années.
C’est fou comment quelqu’un qui a horreur d’écrire se met à ne plus savoir s’arrêter !
Et vous, comment avez-vous vécu cette aventure ?
Nicole