Queer Center
par Karine Mathieu
Si la théorie Queer s’oppose à l’hétérosexisme et plus généralement à toute tentative de catégorisation du genre, elle vient déshabiller la norme pour mieux la regarder. Car il s’agit bien de défaire les frontières du genre vers de nouveaux possibles.
Plastic Queer, cette invitation de commissariat d’exposition, claque comme une véritable destinée artistique, m’amenant, sans que je le sache, à accéder au coeur même du genre plastique.
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Je revois encore le regard amusé de Patrick Tarres, directeur artistique de l’Afiac, lorsqu’il m’offrit cette carte blanche. Je lui ai confessé mes doutes lors de mon ablution dans le monde du genre, il m’a guidée dans la liberté de suivre mes instincts et porter mes convictions.
Tel un chef d’orchestre, il sait mieux que quiconque convoquer la mixité pour tisser des expériences sans pareil : convier des artistes à vivre un moment unique de création chez l’habitant autour d’une réflexion commune.
Au départ, je ne pouvais me résoudre à inviter des artistes sans comprendre les enjeux liés à ce Plastic Queer. L’approche sociologique orienta mes premières recherches. La rencontre avec Jams fut un moment fondamental. En m’éclairant par ses lectures, ses références et ses convictions, il m’a ouvert la voie. Très vite une confusion m’envahit : comment aborder cette notion d’identité ? Doit-elle nécessairement impliquer l’invitation d’artistes queer pour parler du queer ? Et le genre artistique dans tout ceci… Comment décloisonner les codes ?
Du photographe Claude Cahun aux vierges sous serment en Albanie, je me retrouve fascinée par cet interstice dépassant le piège d’une terminologie. Car le queer des uns n’est pas le queer des autres. Alors, quitte à dérouter dans cet exercice délicat, j’ai décidé de dériver en marge de la marge.
Les artistes invitées pensent l’identité dans un panorama où se croisent les mythes et les croyances, où les corps s’unissent dans une autre nature. Par un militantisme feutré, nous avons adopté l’aventure Afiac en vous livrant ce que nous sommes : des femmes hétéros et homos, des chercheuses de sens, des aventurières de l’autre où la norme ne guide pas nos pas.
L’envie de vivre intensément cette sollicitation a dicté ma conviction de construire une relation à la fois ultime avec les artistes et les hôtes. Les inégalités persistent, les mouvements réactionnaires s’attaquent à l’identité du genre. Le temps d’un week-end, Fiac est devenu notre queer center : une trêve où la générosité des habitants croise la force de création, où le public s’abandonne au plaisir festif, troublant délicatement l’ordre normatif des genres.
Chaque étape de l’Afiac a insufflé son instant exclusif : avoir un réel sentiment d’abandon de l’artiste le premier soir chez l’habitant / partager des strates de vies éclatées / bousculer l’intime par l’art / se révéler en silence une émotion partagée / remercier cet intervalle éphémère qui nous est accordé.
Un grand merci aux artistes pour leurs confiances et leurs honnêtetés, au directeur artistique de l’Afiac et à son équipe, aux habitants, aux publics… aux queers.
Commissariat général : Patrick Tarres
Commissaires invités : Karine Mathieu, Chef de projet d’exposition et de diffusion en région / les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées et Magali Gentet, directrice et commissaire des expositions du Parvis, centre d’art contemporain
Les artistes
Anna Burlet, Hélène Mourrier, Tony Regazzoni, Evor, Jean Biche, Pascal Lièvre, Romuald Dumas-Jandolo, Red Bind, Delphine Balley