Jean Biche
Fiac 2015 – Des artistes chez l’habitant
Un événement de l’AFIAC
Commissaire général : Patrick Tarres
Commissaires invités : Magali Gentet, Directrice et commissaire des expositions du Parvis, centre d’art contemporain et Karine Mathieu, Chef de projet d’exposition et de diffusion en région / les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées
L’artiste était reçu chez Alain et Jean Sudre Bech
Professional Dreamer
Figure des nuits bruxelloises et parisiennes, Jean Biche est un artiste aux multiples talents. Tour à tour styliste, DJ, illustrateur, maquilleur, strip-teaseur, artiste de cabaret, performeur et parfois tout en même temps, Jean Biche utilise son corps comme un médium artistique dont il décline toutes les ressources théâtrales et performatives. Son univers, peuplé d’images burlesques, baroques et inquiétantes, cherche à créer des fictions, des situations anormales et aborde les questions de rites, de sacrifices et de mutations en puisant ses références dans la culture pop, le cinéma et la musique notamment.
Questionnant les notions de genres, l’artiste prolonge ses réflexions identitaires dans le rituel du transformisme. Ainsi, à l’aide de maquillage, de masques, de postiches, de perruques, de déguisements, de prothèses et autres jeux de lumières, ce délicat jeune homme blond, cet ange androgyne, gracile et peroxydé « dans la vie », se transforme la nuit, sur les scènes de cabaret ou plateaux de théâtre, en véritable Créature, en sublimes et surréelles divas qui représentent chacune un « morceau » de son idéal féminin. Sans pour autant jouer des stéréotypes de genre qui sont censés définir ce qu’est une femme, Jean Biche incarne son propre fantasme qu’il sublime. Comme il le dit à propos de ses transformations : « Ce sont des
processus de sublimation. Je ne crée pas quelque chose, je pousse plus loin, mais je reste le même ». Est-ce à dire que Jean Biche utilise le transformisme pour dévoiler une identité individuelle autre ? Ou qu’il joue sur le trouble identitaire en apparaissant successivement et avec autant de qualités homme de jour et femme la nuit ?
À vrai dire, il semble plus simplement que l’artiste trouve là, grâce à la scène, le moyen d’exprimer sa féminité, à l’image des gravures de mode dont plus jeune il emplissait ses cahiers de dessin et que cette fois il incarne, comme il le précise avec humour, « de la vierge à la putain ».
Quand j’ai invité Jean Biche à participer à l’édition Plastic Queer, d’emblée un problème se posait, celui de la relation avec l’habitant ou tout du moins de l’interaction de son projet avec la vie de ses hôtes qui accueillaient déjà Pascal Lièvre. Comment en effet proposer et réaliser un « objet » performatif sur trois jours et comment le donner à voir à un public le plus large possible ?
Sa pratique de la performance est tellement introspective qu’il fut finalement décidé d’une unique représentation le samedi soir sur la place du Four au coeur du village. Une performance pour laquelle l’artiste allait créer un « matériel unique ».
Ainsi, entre les fumées de saucisses grillées, la harangue des cuistots du food truck et le brouhaha des visiteurs attablés sous l’énorme chapiteau, est soudain apparue, sortant du café
de Fiac, accompagnée et protégée comme le serait une star de cinéma, une créature sublime à la taille de guêpe toute minimale, juchée sur des escarpins de 12 cm et vêtue d’une longue robe fourreau à paillettes.
Oublié Jean Biche !
Voilà que l’absolu féminin traverse la scène, la conjugaison d’un sex-symbol et d’une diva, la fusion du sex-appeal de Marylin Monroe et du charme glacé de la blonde hitchcockienne Kim Novak. « Sitôt que je revêts des apparats féminins, je deviens toutes mes icônes à la fois : la démarche, la voix, le port de tête, même les idées changent, c’est un spectacle à la fois merveilleux et terrifiant que de se voir chavirer » nous indique l’artiste.
Plongée dans la nuit noire, doucement éclairée au moyen de lampes de poche qu’elle dirige sur elle, cette créature fardée de rouge, successivement habillée, dévêtue puis corsetée dans une gaine digne des années 50, performe chants et récits en jouant avec les projections d’images vidéo qui dansent sur son corps de manière abstraite. Dans cet univers optique, Jean Biche devient une icône glamour qui voyage de films en films murmurant différentes chansons qu’elle mélange à sa guise, puis fixant le projecteur « tel un animal pétrifié » dans les phares d’une voiture, s’allonge sur le sol pour se déshabiller langoureusement. Ceci donne une performance incandescente, un mélange de détresse et de force qui évoque l’inquiétante étrangeté du cinéma de Cassavetes et le jeu de son actrice fétiche Gena Rowlands. La performance que Jean Biche a proposée pour l’Afiac est très clairement en rupture avec ce que l’artiste produit habituellement pour ses spectacles de cabaret à la fois drôles, excentriques et subversifs.
« J’avais une envie très claire de rupture avec le cabaret » nous dit l’artiste, « j’ai voulu envisager le spectacle comme une oeuvre plastique ». En fait, une oeuvre « Plastic Queer », si j’ose dire, qui démontre à quel point la féminité n’a rien d’inné et qu’elle n’est qu’une construction culturelle qui peut être jouée, imitée et à merveille incarnée comme le réalise ici Jean Biche. Une rencontre a été organisée avec le public le lendemain matin de la performance sur la même place du Four. Là, Jean Biche nous a parlé de sa vie, son parcours intime et professionnel, son identité, son travail artistique. Si vous n’avez pas eu la chance d’y assister, une vidéo de son intervention aux Subsistances de Lyon en 2013 vous permettra de mieux cerner le personnage. Il s’agit du « Rapport d’ano®malie » de Jean Biche : youtube.com/watch?v=TVnThC43Knc
Magali Gentet
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Commissariat général : Patrick Tarres
Commissaires invités : Karine Mathieu, Chef de projet d’exposition et de diffusion en région / les Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées et Magali Gentet, directrice et commissaire des expositions du Parvis, centre d’art contemporain
Les artistes
Anna Burlet, Hélène Mourrier, Tony Regazzoni, Evor, Jean Biche, Pascal Lièvre, Romuald Dumas-Jandolo, Red Bind, Delphine Balley