Insect-Like/Like-Insects
De La Cigale et La Fourmi à Sucker, de la fable au cinéma en passant par la poésie et la bande dessinée, auteurs et réalisateurs prêtent à l’animal des sentiments, des états d’âme, une intelligence voire une conscience. Il est fréquent que l’humain social, en de nombreux points comparable à l’insecte éponyme, n’hésite pas à poser ce dernier en miroir, lui conférant des valeurs morales semblables aux nôtres. Ces créatures à six pattes sont des sujets idéaux comme symboles et métaphores de l’existence humaine, quand bien même les comportements infanticides, fratricides ou matricides sont légion dans ces sociétés organisées, hiérarchisées et laborieuses.
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D’autres bêtes de la même famille trouvent plus difficilement grâce à nos yeux, elles hantent nos cauchemars, phobies et delirium tremens. Bien que situées aux marges de la perception, elles sont partout, elles constituent à peu près 80% de la faune terrestre, habitent jusque dans nos maisons, nos cheveux et nos poils pubiens pour les plus invasives. Elles sont installées dans notre langage : nous avons le cafard, nous tombons comme des mouches, les gobons parfois, au xviiie siècle, les femmes de la haute société en collaient sur leur peau pour mettre leur pâleur en valeur, nous avons des fourmis dans les jambes et la puce à l’oreille…
Un grand nombre d’artistes se sont intéressés à leurs qualités plastiques, graphiques et symboliques indéniables. L’insecte chez Damien Hirst, avec Entomology Cabinets et Entomology Paintings, est un memento mori constant, un effet miroir contre le sentiment d’immortalité qui anime selon lui nos sociétés. Jean Fabre est connu entre autres pour ses oeuvres créées à partir de scarabées qu’il voit comme anges de la métamorphose mais aussi comme symboles de beauté et d’éternité.
Hubert Duprat spécule sur les capacités constructives et plus précisément reconstructives des larves de phryganes. Il a imaginé un dispositif expérimental dans lequel il les contraint à travailler à l’aide de matériaux singuliers pour fabriquer leur fourreau mobile et composite : des paillettes, des pépites d’or et des fils d’or, des perles ainsi que des pierres précieuses et semi-précieuses taillées en cabochon ou à facettes, les insectes devenant ainsi joailliers et leur écrin pièces d’orfèvrerie. Yokinori Yanagi, avec The world flag ant farm, présente les drapeaux de presque tous les pays du monde constitués de pigments de différentes couleurs contenus dans des boîtes de plexiglas. Ces boîtes sont reliées entre elles par des tubes, un grand nombre de fourmis vivantes sont introduites dans ce dispositif et creusent des tunnels, les drapeaux se dégradent progressivement au cours de l’exposition. Dali était un grand passionné des mouches qu’il considérait comme l’insecte paranoïaque-critique par excellence. Cependant, il exprimait une aversion atavique pour les fourmis. Adolescent, dans ses rites de sublimation de l’angoisse et de l’exorcisme de la mort, il avait l’habitude de se risquer à regarder une caisse pleine de ces insectes illuminés par des gouttes phosphorescentes afin de conjurer le funeste destin.
Quant à nous, l’entomophagie nous guette pour des raisons écologiques et économiques de première urgence. À l’instar de nombreux peuples qui trouvent cela délicieux depuis fort longtemps, nous devrions nous habituer à côtoyer ces bestioles dans nos assiettes.
Et si ces créatures étaient non seulement bonnes à manger, mais également bonnes à penser?
Telle fut la piste réflexive que je proposais à deux acteurs du réseau d’art contemporain de Midi-Pyrénées auxquels je faisais l’invitation de m’accompagner dans cette aventure. À vrai dire, William Gourdin et Paul de Sorbier ne furent pas spontanément enthousiastes à l’idée de travailler autour des insectes. Surtout William qui afficha son aversion sans ambigüité pour ces hexapodes, qu’ils soient sociaux ou pas. Par contre l’idée de faire Fiac à Lautrec ou ailleurs les enthousiasma. Je tiens à les en remercier chaleureusement tout comme les artistes qui ont répondu à nos sollicitations.
Patrick Tarres
Commissariat
Commissaire général : Patrick Tarres
Commissaires invités : William Gourdin assistant de direction Frac Midi-Pyrénées, chef de projet d’exposition et de diffusion en Région, et Paul de Sorbier directeur de la Maison Salvan à Labège.
Les artistes à Lautrec
Julien Salaud, Pierre-Laurent Cassière, Nicolas Fenouillat, Denise Bresciani, Agnès Rosse, Suzy Lelièvre, Le collectif IPN, Collectif Ding, Benedetto Bufalino, Linda Sanchez.