Suzy Lelièvre
Lautrec 2014 -Des artistes chez l’habitant
Un événement de l’AFIAC
Commissariat général : Patrick Tarres
Commissaires invités : William Gourdin et Paul de Sorbier
L’artiste était reçu chez Maryse et Yanick Blanc
Air scolytus, 2014
Peinture de traçage et vidéo diffusée en boucle sur un écran.
Qui s’y frotte, s’y pique
C’est à partir d’un plan griffonné sur une vue aérienne de la maison et du terrain de Maryse et Yanick Blanc, situés sur une hauteur à la sortie de Lautrec, que prit forme le projet de Suzy Lelièvre. Artiste amoureuse des distorsions cadastrales, joueuse invétérée des codes perspectifs de l’art et de la vie, fraîchement diplômée de l’ENSI après son cursus aux Beaux-Arts, Suzy Lelièvre planta au coeur du jardin une hampe de drapeau d’où flottait une manche à air aux couleurs de l’abeille – noir et jaune – qui n’est pas sans nous faire penser à Photosouvenir : le Vent souffle où il veut de Daniel Buren, installée à Beaufort sur la plage de Haan en 2009. Elle fait ici office d’étendard ou d’armoiries sur ce nouveau territoire conquis par l’artiste. Surplombant la vallée et Lautrec, ce flambeau d’un nouvel âge marque le terrain de jeu à explorer. Tracé au sol par Yanick lui-même, se déploie alors tout un réseau de lignes blanches qui, partant du bois adjacent à la propriété, se ramifie sur l’ensemble de la parcelle.
Ce réseau finit par constituer un véritable rhizome arachnéen.
Au fond, en contrebas, une petite cabane, éclairée d’une manière furtive le soir d’une lumière rouge orangée, nous appelle comme le font ces lumières attirant les moustiques dans nos demeures. L’accès est en pente, se fait avec quelques obstacles et nous capte comme des mouches. L’intérieur est vide et les murs jonchés de moustiques écrasés. Il s’est passé ici une vraie boucherie, un génocide. Non… le motif est un imprimé déposé simplement au tampon. Il s’agit d’un simulacre de massacre. Nous avons été pris au piège comme des moucherons par le vinaigre. La réalité n’est pas celle que l’on croit. Le motif du moustique écrasé se répète et nous obsède pourtant. Il nous fait faire un demi-tour complet et un retour vers la demeure. Nous remontons en arpentant le terrain de Maryse et Yanick avec cette petite peur au ventre. Attention ! Blair Witch et David Lynch nous suivent.
Suzy Lelièvre nous invite par la suite à pénétrer enfin dans l’intimité du couple et à nous asseoir sur son canapé dans leur salon. Là, devant nous l’objet de nos nouveaux voyages solitaires et rassurants, la télévision nous contraint à nous élever au sens propre du mot.
Le film en boucle d’un drone muni d’une GoPro s’élève au-dessus de la maison et nous permet d’appréhender – tels une libellule ou un bourdon qui auraient oublié d’apprendre à voler – le dessin qui nous apparaît enfin dans sa globalité et son immensité. Il n’est pas sans nous évoquer le travail de Walter de Maria, Cross (1968) ou le Walking a line in Peru de Richard Long (1972). Du dessin au réel nous sommes happés par le bruit du drone obsédant, tel un moustique dissonant qui vient se glisser au creux de nos oreilles dans les nuits d’été. Nous montons, descendons à vive allure, la manoeuvre est saccadée, brusque parfois. La vision n’est pas très agréable. Le mal de l’air ou le mal de mer nous envahissent. La télévision serait-elle à vomir ? L’instant suivant, il nous faut vraiment quitter les lieux pour mieux appréhender le plancher des vaches. Le voyage au pays de Suzy Lelièvre se termine mais notre route continue. Direction le point névralgique de cette édition, le village de Lautrec.
William Gourdin
Commissariat
Commissaire général : Patrick Tarres
Commissaires invités : William Gourdin assistant de direction Frac Midi-Pyrénées, chef de projet d’exposition et de diffusion en Région, et Paul de Sorbier directeur de la Maison Salvan à Labège.
Les artistes à Lautrec
Julien Salaud, Pierre-Laurent Cassière, Nicolas Fenouillat, Denise Bresciani, Agnès Rosse, Suzy Lelièvre, Le collectif IPN, Collectif Ding, Benedetto Bufalino, Linda Sanchez.