Elsa Mazeau – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Elsa Mazeau

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez la famille Laignel.

Elsa Mazeau + si affinité 2010 Lotissement

Lotissement.

Installation photographique et sonore.
Lotissement oppose un ancien monde
(rural) à l’actuel (« néorural »).
Ici, le décalage des situations correspond aussi à une distinction entre ceux qui les vivent.
D’une part, les anciens agriculteurs qui articulent verbalement la raison d’une époque, leur avis, en se souvenant de l’ancien temps.
D’autre part, le portrait en creux (par l’habitat) des nouveaux arrivants.
Elsa Mazeau réalise une extension virtuelle d’un lotissement à même un champ de blé. Elle accentue encore, si besoin était, l’inversion progressive d’un rapport : dans les zones périurbaines (comme ici aux confins de l’agglomération toulousaine) les blés se sont faits rares et les maisons pullulent, toutes pareilles.
Des éléments rapportés (par l’image) des bâtisses standardisées de la ruée pavillonnaire en rajoutent une couche à même des châssis en forme de tente. Où réside l’authentique ? En quoi réside le factice ? Au-delà de sa dichotomie apparente, le projet Lotissement n’érige pourtant pas un monument à la raison paysanne, il souligne d’abord le changement sans se risquer à quelque conclusion que ce soit quant aux identités.»
Extrait de « Avis de situations »
de Cédric Schönwald, in Elsa Mazeau,
La langue géographique, Paris,
juin 2011, Éditions Liénart.

Elsa Mazeau + si affinité 2010 Lotissement

Elsa Mazeau + si affinité 2010 Lotissement fiac

Elsa Mazeau + si affinité 2010 Lotissement fiac

Isabelle Lévénez et Catherine Helmer – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Isabelle Lévénez et Catherine Helmer

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez Sandrine Dominin.

Catherine Helmer Isabelle Lévénez + si affinité 2010

« Regards croisés »

Diptyque vidéo réalisé par
Isabelle Lévénez et Catherine Helmer

Invitation

Lorsque l’on nous a proposé de
réaliser une oeuvre in situ, nous
n’avions aucune idée du projet avant
d’arriver sur place.
Nous avons en commun de laisser
les éléments se mettre en oeuvre
d’eux-mêmes.
Rencontre

Ce qui nous intéressait ce fut l’idée de la rencontre. La rencontre avec
un lieu. Avec son histoire.
Avec ses habitants.
La rencontre avec tout ce qu’elle
évoque de déterminé et de hasard.
Puis, comment nos deux personnalités
artistiques allaient se rencontrer
pour produire des images.
Une petite fille du village est venue
spontanément vers nous.
Une complicité s’est naturellement
installée.
Sa présence était totalement inscrite
dans le réel et en même temps
elle évoquait une apparition.
Elle fut notre guide.

Quête de l’image

Nos deux regards se sont confrontés à l’extérieur, dans la ville,
face à notre errance.
Caméra à la main, un récit s’est
déployé dans l’entre-deux de la fiction
à la réalité.
Lieux
Une cour d’école désertée,
une piscine abandonnée, un champ
à perte de vue.
L’isolement de ces lieux renvoyait
à la trace mélancolique d’une
absence.
Restaurer le lieu
Réveiller les sons, chercher
entre l’image une présence,
suspendre un geste, infiltrer les lieux,
les réanimer, les revisiter.

Ce qui reste

L’espace d’exposition : un territoire
chargé et bruyant, contrastant
avec nos images en «suspension».
Une rencontre.
Face à cette épaisseur sonore et
visuelle nous avons dû faire écran
en proposant notre propre espace
et notre temps.
Un grand merci à Pascal Pique
pour son invitation, à toute l’équipe
de FIAC pour leur accompagnement,
à Sandrine pour son accueil
chaleureux et à Eva pour ce qu’elle
est et ce qu’elle nous a donné.

Isabelle Lévénez et Catherine Helmer

Catherine Helmer Isabelle Lévénez + si affinité 2010

Catherine Helmer Isabelle Lévénez + si affinité 2010

Catherine Helmer Isabelle Lévénez + si affinité 2010

Catherine Helmer Isabelle Lévénez + si affinité 2010

Isabelle Lévénez et Catherine Helmer + si affinité 2010 fiac

Isabelle Lévénez et Catherine Helmer + si affinité 2010 fiac

 

Nicolas Daubanes – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Nicolas Daubanes

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez la famille Monique Pascal.

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 de Fiac à Viterbe

Le projet « Naître plus que poussière »
est la réalisation de la « mue » de la
chambre d’une habitation.
La réalisation de cette « mue » permet,
dans un premier temps, le prélèvement
des poussières demeurées à
l’intérieur de l’habitation. Je précise
que 90% des débris qui reposent dans
un habitat proviennent des occupants
eux-mêmes (cheveux, peaux mortes…
etc). Ainsi, lorsque je parle de « mue »,
je convoque aussi, par conséquent,
la mémoire des corps. J’emploie un
matériau qui, une fois retiré, prend
l’apparence d’une peau morte, une
squame. Celui-ci est un bi-composant
silicone principalement utilisé pour le
nettoyage des murs des bâtiments
historiques.
Ce produit, liquide dans
un premier temps, s’applique sur les
murs d’un édifice, puis suite au séchage,
la membrane formée est retirée
telle une peau ; celle-ci capture tous
les dépôts et particules «meubles» du
support initial. Cette opération permet
la rénovation d’un lieu sans l’endommager
en profondeur. La souplesse
de cette peau contredit, en somme, la
rigidité des murs sur lesquels elle a été
apposée, pour évoquer le sentiment
du souvenir d’un lieu, à l’appui des
déformations imputables aux effets du
retrait. Il s’agit bel et bien de réaliser
ainsi une peau morte, l’empreinte
d’une partie de l’intérieur d’une maison
contenant les restes et poussières
de ses anciens occupants. De surcroît,
ce produit ayant la particularité de
capter la moindre aspérité d’une
surface, les gravures et cicatrices des
murs, les stigmates et griffures, sont
rendues perceptibles. C’est aussi une
tentative pour intercepter un moment
de la vie d’un lieu, d’en effectuer
l’« impression », imprégner ce présent
de la membrane des traces constitutives
du passé de sa matrice.
Le produit doit être appliqué en fine
couche et en une seule fois. Lorsque
je le disjoins de son support, il risque
de se déchirer. J’assume totalement
cette conséquence dans la présentation
du travail puisque la mémoire,
les souvenirs, sont eux-mêmes sujets
à la fragmentation, au morcellement.
Théoriquement, ce composé chimique
à base de silicone se conserve
plusieurs centaines d’années, donc
l’empreinte du lieu est censée survivre
à ce dernier.
Au gré de cette mue produite au
semblant d’un tégument dont on
se défait, ce travail traite de la transformation
; une ouverture sur la vie
future, un nettoyage du passé, tout
en l’incorporant soigneusement.
J’ai travaillé chez Monique qui réside
à l’année dans un chalet dont la vocation
première était d’être une location
de vacances.
A la bordure d’un golf, la précarité
de ces habitations et de ceux qui
les occupent tranche avec l’apparente
aisance sociale des habitués du
terrain.
Cette situation de « frottement »
a motivé l’installation des « peaux »
sur le terrain de sport, un « magnifique
jardin interdit » pour Monique…
Ces « mues » semblent s’inscrire
dans la nature à l’instar de celles
des serpents, découvertes au pied
des arbres ou sur la pelouse…
Nicolas Daubanes

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 fiac

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 fiac

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 fiac

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 fiac

Nicolas Daubanes + si affinité 2010 fiac

Mohamed El Baz – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Mohamed El Baz

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez la famille Bardou

Mohamed El Baz + si affinité 2010 Fiac

C’est une chanson qui nous
ressemble… ça passe mon coeur
peu à peu oubliera… si tu crois
un jour que tu m’aimes… rien n’est
jamais acquis à l’homme… le temps
d’apprendre à vivre… laissez-moi
danser, laissez-moi… le vent nous
portera… je suis venu te dire que
je m’en vais… ne me quitte pas…
emmenez-moi, emmenez-moi…
Je suis arrivé de Casablanca une fin
de semaine, je crois…
Alain Berthon m’attendait à l’aéroport
et nous sommes partis vers Fiac…
Je me rappelle de la radio, du jazz
et on a parlé de Marciac, de Toulouse,
des environs… Fiac devenait plus
précis dans ma petite géographie…
Vite, je demande à Alain des infos
sur les gens, tous les gens…
J’étais sûr d’avoir reçu un livre de
Patrick Tarres en échange d’un
des miens… Je demande
des nouvelles de Pascal Pique…
Finalement, vient la question qui
m’habite depuis une semaine
presque… Je vais chez qui ? un peu
gêné, je demande… Vous pouvez me
parler de ma famille, de ma famille
d’accueil… Des musiciens, me dit
Alain… Et sur la route, il me raconte
un peu les Bardou…
A ce moment, je repense aux
fameuses chansons… cela fait
des années que je veux faire un travail
à partir de chansons populaires,
comme on dit, de celles qui rythment
une existence… Autant les grandes
que celles qu’on ne cherche pas
et qu’on entend à un moment ou un
autre, juste autour de nous…
J’étais venu avec la manifestation
comme projet, maintenant je savais
que nous allions aussi chanter…Ensuite tout est allé très vite…
autour de la table, nous avons
mangé, nous avons parlé,
nous avons chanté…
Au fur et à mesure, la clairière
s’est remplie de mots, de bâtons,
de panneaux, de chansons.

Mohamed El Baz

Mohamed El Baz + si affinitité 2010 fiac

Il y a quelque chose dans l’air, suspendu. On l’entend dans la clairière. Des airs connus, des refrains. Cheminer vers la musique des mots. Vous connaissez la chanson ? C’est qui qui chante ça ? Rester aux abords ou entrer dans le cercle. Écouter, voir les mots s’afficher en forêt. Espace intime, espace ouvert au ciel. Échappés du cercle de famille, des airs de famille. Mots bas, mots forts, comme une ondulation, une mélodie en canopée. Des rondes de mots qui nous accrochent les uns aux autres. Lire les mots un à un ou côte à côte, se balader dans les mots dressés, affichés, à contourner, incontournables. Les enfants jouent à cache-cache, trouver les mots, les effleurer du regard. Des mots droits dans les yeux, des gros mots, des mots doux, des airs dans la tête. Cachés, protégés, de tout temps répétés, proches ou lointains ils attirent, ils aimantent ou répulsent. Désir de savoir, de comprendre. Choisir de parler ou se taire.
Être happé, accroché ou indifférent, comme une rencontre qui marche ou ne marche pas. Voix nues, présences sensibles de ceux qui habitent ici, de l’artiste qui passe et d’autre chose ; il y a des voix dans la clairière, des arbres vivants et morts, des mots et des musiques plantés en terre et vibrants dans l’air, qui nous rassemblent, nous ressemblent de mémoire. Un legs, un don dont on ne connaît pas l’origine.
Entrer et sortir, approcher le son, toucher les mots et s’en éloigner. Repartir, les laisser là, comme une survivance, une permanence. Y revenir, comme un air en tête.
Monique Gatti et Mathilde Bardou

Céline Cléron – Fantasmagoria – + si affinité 2010

Céline Cléron

Viterbe  2010  –  + si affinité  Fantasmagoria

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez la famille Bernardi.

Nature Permanente Céline Cléron + si affinité 2010 fiac

Pascale Robert et René Bernardi
m’ont accueillie chez eux à Viterbe.
Après avoir observé longuement
les lieux, j’ai porté plus particulièrement
mon attention sur une portion
de paysage environnant leur
maison : un sous-bois
abritant en son centre
un gigantesque saule pleureur.
La contemplation de cet arbre a fait
émerger un espace plus fantasmagorique
provoqué par un souvenir
s’étant lui-même infiltré dans
ce paysage.
Ainsi, Nature permanente, résulte
d’un croisement, d’un télescopage
entre la « chevelure » du saule
et le souvenir un peu plus personnel
de ma grand-mère se pliant au rituel
de la mise en plis.

De gigantesques bigoudis furent ainsi
conçus à l’échelle de l’arbre.
Je me suis amusée à mêler différents
champs symboliques, en croisant
l’archétype de l’anti-séduction
féminine -le bigoudi- et l’image
romantique et ornemental du saule
pleureur décrit dans la littérature
comme l’arbre de la mélancolie et
du souvenir nostalgique.
De la même manière, dans Quadrille,
le fabuleux naît du prosaïque, les deux ânes
et les trois chevaux de la famille
se voient anoblis de plumeaux
de quelque garde royale ou autre
parade de cirque, en réalité plumeaux
à dépoussiérer.

Céline Cléron

celine-cleron-1

 

 

Nature Permanente Céline Cléron + si affinité 2010 fiac

 

Quadrille Céline Cléron + si affinité 2010 fiac Quadrille Céline Cléron + si affinité 2010 fiac

Fantasmagoria – le monde mythique – + si affinité – Viterbe

+ si affinité 2010  – Viterbe

10 artistes        10 familles

Fantasmagoria

le monde mythique

 

Fantasmagoria et le monde mythique

Qu’en est-il de la fantasmagorie et du mythe aujourd’hui ?
Malgré leur identification à un passé révolu, ne sont-ils pas à voir à la fois comme l’origine et l’horizon de nos imaginaires ?
Ces questions revitalisées par l’ethnologie et la psychanalyse ne peuvent-elles pas nourrir l’art d’aujourd’hui. Et pourquoi pas, en retour, êtres réactualisées par lui ?
Telles sont les questions qui ont dicté l’aventure de Fantasmagoria à Fiac et à Viterbe (1).
Une aventure comparable à la quête d’un monde supposé, comme pour renouer aussi avec la dimension magique de l’art.

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Pour renouer avec le monde mythique

Entretien avec Michel Boccara

Pascal Pique : Michel Boccara, mais où est donc passé le monde mythique ? S’agit-il d’un monde révolu disparu, ou bien est-il toujours actif sans que l’on s’en aperçoive vraiment ? Comme s’il avait survécu à nos modes de pensée et à nos civilisations du rationnel ?
Michel Boccara : Le monde mythique c’est comme la lettre volée, il est là en face de nous, il n’a pas disparu. Seulement, nous sommes devenu sourds, aveugles et muets. Chaque nuit nous rêvons. Et bien chaque nuit nous sommes dans le monde mythique. Mais nous nous servons de moins en moins de nos rêves. Ceci dit, il y a d’autres manifestations du monde mythique que le rêve. Nous pourrions presque dire qu’à tout moment le monde mythique est là. Sa porte reste entrouverte, mais trop souvent nous la cadenassons sans vouloir y entrer. Le monde mythique n’est donc pas quelque chose d’étranger. Nous avons inventé de nouvelles formes comme l’art pour y accéder. Mais le problème, quand on est artiste, est que l’on est autant aliéné que quand on ne l’est pas, car on s’imagine que le monde mythique est séparé du monde réel.

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Les artistes

Mohamed El Baz, Elsa Mazeau, Céline Cléron, Isabelle Levenez et Catherine Helmer, Gilles Conan, Nicolas Daubanes, Arnaud Maguet, Michel Boccara et Pierre Capelle, Marianne Plo

Evor

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Le commissariat

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

 

Pour renouer avec le monde mythique

Entretien avec Michel Boccara

Pascal Pique : Michel Boccara, mais où est donc passé le monde mythique ? S’agit-il d’un monde révolu disparu, ou bien est-il toujours actif sans que l’on s’en aperçoive vraiment ? Comme s’il avait survécu à nos modes de pensée et à nos civilisations du rationnel ?
Michel Boccara : Le monde mythique c’est comme la lettre volée, il est là en face de nous, il n’a pas disparu. Seulement, nous sommes devenu sourds, aveugles et muets. Chaque nuit nous rêvons. Et bien chaque nuit nous sommes dans le monde mythique. Mais nous nous servons de moins en moins de nos rêves. Ceci dit, il y a d’autres manifestations du monde mythique que le rêve. Nous pourrions presque dire qu’à tout moment le monde mythique est là. Sa porte reste entrouverte, mais trop souvent nous la cadenassons sans vouloir y entrer. Le monde mythique n’est donc pas quelque chose d’étranger. Nous avons inventé de nouvelles formes comme l’art pour y accéder. Mais le problème, quand on est artiste, est que l’on est autant aliéné que quand on ne l’est pas, car on s’imagine que le monde mythique est séparé du monde réel.
Et c’est là qu’il faut s’interroger : pourquoi le monde mythique a-t-il été séparé du monde réel ? Pourquoi le rêve, qui il n’y a pas encore si longtemps était aux fondements même de notre vie et de nos réflexions, le rêve qui permettait d’orienter notre vie, occupe aujourd’hui une place mineure ? Sauf pour les psychanalystes peut-être. Mais les psychanalystes sont un peu comme les artistes, ils en rajoutent sur le monde mythique et en même temps ils le clivent. Pour ma part, je ne suis pas pour opposer rationnel et irrationnel. Car c’est justement là que se fait le clivage. Nous nous sommes précisément éloignés du monde mythique à partir du moment où l’on a considéré qu’il n’était pas de l’ordre du rationnel. Or il y a différents types de raisons, il y a tout un jardin de raisons.

Le retour des spectres dans une seance de fantasmagorie
le retour des spectres dans une séance de fantasmagorie vers 1792

PP : À travers le titre Fantasmagoria il était justement question à Fiac de favoriser la perception ou l’émergence du processus mythique, notamment à travers la figure du fantôme. Qu’est-ce que cette figure ou ce processus de l’apparition recouvre selon vous à travers les civilisations, les cultures et les époques ?
MB : Le fantôme est justement un être mythique. Soit on lui accorde un statut de réalité, même si c’est une réalité psychique qui est toute aussi importante que la réalité matérielle. Soit on le projette dans un monde imaginaire, dans un hors-champs. Je crois qu’il faut donner au fantôme toute sa place. C’est une réalité psychique complètement présente. Là encore, normalement, dans toute les sociétés, l’apparition est à la genèse même du réel et des choses. Elle n’est pas séparée de la chose elle-même.
Toute chose apparaît et disparaît selon des modalités diverses. Prenons l’exemple de l’arbre. Lorsque on voit un arbre, il peut d’abord nous apparaître sous une première forme, puis, tout à coup, se transformer et nous apparaître sous une seconde forme. La seconde forme peut être de l’ordre du fantôme ou d’un esprit qui serait l’émanation de l’arbre. Mais elle est également l’arbre, c’est à dire la réalité psychique de l’arbre qui est entrée en interaction avec nous pour donner cette nouvelle forme de l’arbre.

Dans-les-rues-de-Edimburgh
dans les rues d’Edinburgh

Dans toutes les cultures et à toutes les époques on vit avec les ancêtres. Les ancêtres sont présents en nous et dans un grand nombre de sociétés on ne fait pas vraiment de distinction entre nous et l’ancêtre. Nous sommes l’ancêtre. D’abord parce que l’on estime qu’il n’y a pas vraiment de singularité individuelle absolue. Nous sommes tous des revenants. Nous tous, en tant que revenants, nous sommes l’expression d’un fantôme et sommes en relation avec lui. Nous sommes effectivement tous des revenants ! À partir du moment où nous sommes des revenants, nous sommes en communication intime avec l’ancêtre. Ceci parce que l’ancêtre n’est pas dissocié de nous, il est présent par sa mémoire vivante, par sa parole qui s’est imprimée dans les générations. Par ses objets aussi qui ont été transmis. Mais également par sa présence qui est en nous.

Aborigenes au temps des ancetres
Aborigène au temps des ancêtres

Ceci, alors qu’actuellement, dans nos sociétés on se dissocie de plus en plus de l’ancêtre comme on se dissocie des formes du passé. Le passé et le présent sont séparés. Ce qui n’est pas le cas dans les sociétés dites traditionnelles. J’entend par société traditionnelles, celles qui vivent avec leur origine toujours présente, celles qui ne sont pas entrée dans une course folle vers l’avenir, aveuglées par le mythe du progrès. D’ailleurs, dans ces sociétés on sait bien qu’il y a un présent un passé et un futur, mais dès que l’on passe deux générations en arrière, le temps s’arrête et se fond dans une sorte de temps originel. Ce qui est particulièrement le cas chez les natifs australiens.
PP : Mais à quoi selon vous, correspond ce que l’on pourrait appeler le processus de « fantasmagorisation », ou en d’autre terme, que font ou que disent en fait les fantômes quand ils apparaissent ?
MB : Fantasmagorie signifie « qui parle du fantôme en public », ou qui manifeste le fantôme par la parole. Dans les sociétés traditionnelles, tout être humain est une fantasmagorie puisque nous sommes tous des revenants. À partir du moment ou l’être humain fait parler son ancêtre, la fantasmagorie devient illusion. Elle prend le statut d’une forme mythique au sens où elle se sépare de la parole vraie. La parole vraie étant ce qui était en cours en Grèce avant le VIe siècle BP, pour devenir ensuite parole fausse. « Mythos » signifie en grec « la vraie parole » mais à partir du Ve siècle ce mot prend le sens de fable, de fiction pour laisser la place au logos. C’est à dire à la connaissance, au discours et à la science. Cette parole vraie est donc devenue illusion et irrationalité. C’est pourquoi aujourd’hui elle se masque pour revenir aux fondements de la parole. C’est pour ça aussi que nous faisons parler les fantômes en public. C’est d’ailleurs ce que nous faisons en ce moment.
PP : Dans vos écrits récents vous parlez d’une « sociomythologie » qui va bien au-delà de la seule étude comparative des cultures pour s’engager sur le terrain du soin et du politique. En quoi cette perspective vous semble t-elle fondamentale pour ne pas dire urgente ?

Papa-Lisa-arbre-rituel-du-retour-de-loubli
Papa Lisa arbre rituel du retour de l’oubli en Haïti

MB : Le terme « sociomythologie » est un peu lourd mais il correspond à une reconstruction. La sociologie renvoie seulement au logos, c’est-à-dire « connaissance » et « parole ». Or on vient de parler du clivage entre mythos et logos. Pour retrouver cette « présentification » du fantôme, ou cette articulation entre ces deux rationalités, nous allons devoir redonner du sens à mythologie. C’est ce qu’engage la sociomythologie qui vise à construire à la fois une mythique et une logique des sociétés. Dans la mythique on a quelque chose de bien plus large que le processus de connaissance (le logos) qui a tendance, à travers la logique, à se dissocier du vécu. Dans le mythe c’est l’inverse, le processus de connaissance s’ancre dans le vécu. Et qu’est ce que le vécu si ce n’est la recherche d’une harmonie avec son environnement ?

Propagation du nuage radioactif de Fukushima
Propagation du nuage radioactif de Fukushima

C’est précisément se soigner en soignant l’autre, soigner la planète en se soignant soi même. Car on ne peut pas soigner une personne sans soigner son environnement. C’est pourquoi, fondamentalement, toute psychologie est une « psychocosmologie ». Ce qui est urgent aujourd’hui d’un point de vue humain, ou d’un point de vue trop humain comme dirait Nietzsche, c’est de se soigner en soignant la planète parce que sinon nous allons finir par éteindre notre existence.
Pour Gunther Anders, le philosophe de la menace nucléaire, non seulement nous, mais nos ancêtres cesseront d’exister de manière vivante car ils n’auront alors plus de descendance.Ce sera donc comme si le monde humain n’avait jamais existé.
Créer ou reconstruire une mythologie, pour la remettre à la place de la science, c’est essayer de reconstruire un monde où l’homme recherche cette harmonie avec ses semblables en reliant la connaissance au vécu. Car aujourd’hui la connaissance est en roue libre. On considère que toute connaissance est bonne et peu importe les dégâts. L’urgence est donc bien de prendre soin de la société, du monde, de soi et des autres. Ce qui veut dire s’engager dans ce mouvement de prise en charge réciproque de soi et de l’autre.

Seance de soin chez Pierre Cappelle
Séance de soin chez Pierre Capelle dans le Lot

PP : C’est bien pourquoi nous avons convenu d’inviter à Fiac Pierre Cappelle qui a une activité de guérisseur en Midi-Pyrénées que vous avez étudiée, non loin d’ici dans le département du Lot. Pierre est intervenu ici au même titre que les artistes. L’art n’a t-il pas à voir fondamentalement avec cette double dimension du mythe et du soin ?

MB : J’ai montré que l’art pouvait être le symptôme du malaise de nos sociétés, au sens où le disait Nietzsche, car il est la seule solution que nous ayons inventée pour tenter de retrouver le mythe. Mais c’est une solution transitoire. Une sorte d’étape dans une société malade qu’il faudra dépasser. C’est un peu la même chose pour les guérisseurs. Beaucoup de gens ignorent que nous avons encore un grand nombre de guérisseurs traditionnels. Il est vrai que la médecine moderne, dans la mesure où elle sépare la psyché de l’organisme, échoue dans un grand nombre cas. Les guérisseurs aussi peuvent échouer. Le problème n’est pas l’échec mais plutôt cette volonté de vouloir avoir raison à tous les coups. Avec la médecine actuelle, lorsque l’on échoue, on met en cause le patient et non plus l’équilibre toujours fragile entre celui qui essaye de soigner et celui qui est soigné.

Guerisseur-Yanomami-dans-la-foret-amazonienne
Guerisseur Yanomani dans la forêt amazonienne

Dans la conception mythique de l’existence, soigner, ou prendre soin, connaître et produire des formes qui pourraient êtres celles de l’artiste, est une seule et même activité. C’est pourquoi, je pense que si l’on veut construire une mythologie avec des pratiques artistiques, il ne faut plus séparer l’art de la science, de la politique et de la médecine.
Puisqu’il existe encore des guérisseurs aujourd’hui, cela nous permet de nous remettre en relation avec cette chaîne très ancienne de la pratique mythique, telle qu’elle continue d’exister aujourd’hui. Non seulement dans les rêves mais aussi dans nos pratiques quotidiennes.
PP : Que peut représenter justement aujourd’hui une figure comme celle de Pierre Cappelle ?
MB : Pierre Cappelle n’est pas seul. Dans mon petit canton du Lot, près de Saint-Céré, il y a une dizaine de personnes comme lui. Ces gens sont les témoins d’un espace mythique en sommeil. Ils continuent de nous parler de ce qui semblait être perdu mais qui est là au coeur du monde. Le chamanisme n’est pas du tout une pratique lointaine que l’on ne trouve qu’en Amazonie ou en Sibérie. On la trouve aussi chez nous. Mais quelle est la spécificité de Pierre Cappelle ?

Seance-de-soin-aux-arbres-avec-Pierre-Cappelle
Seance de soin aux arbres avec Pierre Capelle

D’abord, il n’a pas été influencé par les pratiques récentes liées au new age ou à l’usage des substances. Même si dans sa pratique viennent se croiser d’autres horizons, comme les influences tibétaines ou des cultures de réincarnation. Pierre a expérimenté assez jeune une sorte de mutation assez profonde de son existence. Alors qu’il était un individu tout à fait ordinaire, intéressé par les bagnoles, la bouffe et les femmes, je le cite presque, tout à coup il s’est aperçu qu’il avait une capacité à soigner les autres. Ceci avec une sorte de spiritualité un peu sauvage qui lui est tombée dessus. Mais son originalité c’est qu’il y a une quinzaine d’années, il a débuté une aventure avec les arbres. Aujourd’hui il soigne les gens avec les arbres.
Dans notre société actuelle c’est assez compréhensible car cela correspond à un revival écologique.
PP : Hormis Pierre Cappelle il y a eu un autre invité surprise à Fiac. Cet invité, qui a en quelque sorte marqué cette édition Fantasmagoria est justement l’arbre. L’arbre, cet être vivant finalement assez énigmatique qui est apparu et tient une place dans quasiment toutes les propositions des artistes. Qu’est-ce que cela vous inspire et que pourrions nous dire de ce curieux phénomène ?

Culte-de-larbre-chez-les-amerindiens
culte de l’abre chez les amérindiens de la tribu des Nez-Percés

MB : À partir du moment où les villes ont été construites en béton, donc en éliminant les arbres, l’arbre est apparu comme le fantôme qu’il faut faire revivre. Aujourd’hui ce sont les animaux qui sont à la mode. Même pour les scientifiques qui découvrent seulement la part animale de l’homme. Si bien que c’est la part végétale de l’homme que la science a du mal à faire émerger ? Ceci alors que cette part végétale est maintenant au centre des pratiques artistiques et politiques. D’abord, pour des raisons évidentes car on connaît bien désormais la relation entre l’arbre et l’atmosphère. Moins on aura d’arbres moins on pourra vivre. À la limite si il n’y avait plus d’arbre l’homme disparaîtrait. Une terre sans arbres n’est plus une terre vivable. C’est une terre où on ne peut plus respirer et où l’on meurt.
À moins de créer une société totalement artificielle avec des scénarii délirants qui feraient de l’homme une sorte de mutant n’ayant plus d’enveloppe corporelle pour devenir un pur esprit. Des scénarii même pas fantasmagoriques mais plutôt fantastiques où l’on projette un fantôme sans consistance. Pourquoi pas ? Mais face à cela, l’arbre est une manière de se rattacher à un autre type de rationalité.
De plus on commence à entrevoir la possibilité que l’arbre soit un être pensant. Quand on dit cela on franchi un tabou considérable ! Ceci alors que les scientifiques en sont tout juste à envisager que l’animal est un être pensant.
Et si l’arbre pensait que nous arriverait-il !?
C’est une question encore plus énorme que celle des extra terrestre dans l’univers. Là c’est la question de l’intra terrestre. Et l’intra-terrestre fondamental c’est l’arbre !

Georges Bataille
Georges Bataille

PP : Vous avez été invité à Fiac en tant que chercheur en sociologie et en ethnologie, mais aussi en tant qu’écrivain, philosophe, poète ou même artiste puisque vous avez réalisé un film. Que dit cet objet ? En particulier de votre position entre art science et politique ?
MB : Je ne me considère ni comme artiste, ni comme scientifique, ni comme politicien. N’oublions pas que pour Georges Bataille (1), ce sont trois figures de l’aliénation or j’essaie justement de me désaliéner. À moins que je ne sois trois fois aliéné.
C’est pourquoi, je pense qu’il faut créer de nouvelles oeuvres. Des oeuvres qui soient plus collectives que personnelles. Je pense qu’il faut dépasser l’individualisation des produits et entrer dans une sorte de fabrique collective.
À Fiac, j’ai justement essayé de créer une oeuvre collective avec les personnes qui étaient là, à savoir avec les artistes en interaction avec le village.
Pendant trois jours, j’ai vécu avec eux et je me suis imprégné de leurs problématiques, de leurs atmosphères. Mais au lieu d’en faire un documentaire analytique j’ai décidé de créer, à partir de tout ça, ne nouvelle oeuvre. Une sorte de poème en quelque sorte. Exactement comme lorsque on construit une oeuvre à partir d’un environnement mais d’une manière jaillissante.

Blaise-Pascal
Blaise Pascal

C’est là que la notion d’obscure clarté m’est apparue d’une manière assez évidente. L’obscure clarté est quelque chose qui travaille l’histoire de l’Occident depuis quatre ou cinq siècles. Je me suis aussi aperçu, en allant chercher quelques textes pour animer des images noires, ou quelques paroles pour faire exister la nuit des mots, que cette opposition entre le clair et l’obscur existait entre Pascal et Descartes.
Et ceci, au moment même où notre société moderne va se construire, à la charnière des 16e et 17e siècles. Ces deux figures opposées, qui se sont connues, ont un rapport totalement différent face à la construction du monde. L’un, Blaise Pascal, reste obscur et extrêmement profond. L’autre, René Descartes, est devenu très évident, à tel point qu’il a envahi les programmes scolaires. Mais il a extrêmement vieilli. À tel point qu’à force d’être claires, ses idées ont perdu de leur force.

René Descartes
René Descartes

Car la question est là : lorsque l’on produit une oeuvre ne faut-il pas qu’elle ait toujours cette part d’obscurité fondamentale ? Il ne faut pas qu’elle soit trop claire. Ce qui devient gênant pour le scientifique classique qui voudrait démontrer des évidences et s’installer dans des vérités. Ceci alors qu’aujourd’hui, pour le scientifique, les objets sur lesquels il travaille lui échappent de plus en plus. Plus il fait la mise au point, plus les choses deviennent floues. Actuellement il n’y a même plus de matière ! Les particules fondamentales n’existent plus car dès que l’on zoom sur elles, elles deviennent une sorte de nuage.
Le nuage est en quelque sorte devenu l’élément fondamental, ou l’étoffe dont est composé notre monde. Alors effectivement, une obscure clarté me paraît plus définir cette étoffe fondamentale nuageuse du monde que les idées claires de Descartes ou des concepts trop précis.
J’ai donc voyagé à travers le nuage de ma mémoire et je propose à travers ce petit film un voyage fantasmagorique, un voyage qui fait exister mes ancêtres et les fait parler en moi.
(1) «Le plus grand des maux qui frappent les hommes est peut-être la réduction de leur existence à l’état d’organe servile. Mais personne ne s’aperçoit qu’il est désespérant de devenir politicien, écrivain ou savant. Il est donc impossible de remédier à l’insuffisance qui diminue celui qui renonce à devenir un homme entier pour n’être plus qu’une des fonctions de la société humaine (…) L’existence ainsi brisée en trois morceaux a cessé d’être l’existence: elle n’est plus qu’art, science ou politique.»
(«L’apprenti sorcier» 1937, dans Denis Hollier, Le collège de Sociologie, Folio essais, 1995 , p. 305 et 313)

Fantasmagoria et le monde mythique

Fantasmagoria et le monde mythique

Qu’en est-il de la fantasmagorie et du mythe aujourd’hui ?
Malgré leur identification à un passé révolu, ne sont-ils pas à voir à la fois comme l’origine et l’horizon de nos imaginaires ?
Ces questions revitalisées par l’ethnologie et la psychanalyse ne peuvent-elles pas nourrir l’art d’aujourd’hui. Et pourquoi pas, en retour, êtres réactualisées par lui ?
Telles sont les questions qui ont dicté l’aventure de Fantasmagoria à Fiac et à Viterbe (1).
Une aventure comparable à la quête d’un monde supposé, comme pour renouer aussi avec la dimension magique de l’art.

Marcel Détienne
marcel detienne

La notion de mythe est le plus souvent associée à celles de récit, de légende, d’affabulation. Autant de notions péjoratives qui portent la marque d’une culture occidentale qui n’a eu de cesse d’éradiquer toutes formes de superstition. Le philosophe Marcel Détienne a percé l’abcès de cette mauvaise conscience de la culture de l’occident a travers son analyse critique de l’histoire de la mythologie. Dans « L’invention de la mythologie » (1992), il retrace à quel point cette histoire, est celle d’une « conscience malheureuse » en démontrant que le mythe a longtemps fait l’objet d’une exclusion en tant que bizarrerie, anomalie ou pathologie. Comme si la culture occidentale était fascinée par le mythe, tout en gardant la certitude d’être étrangère à ses mécanismes et pour refuser de s’abreuver à ses sources. Et ceci jusqu’à très récemment.

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dispositif de fantasmagorie



Si bien que la véritable dimension mythique reste sans doute à décrypter, à revaloriser, à réactiver et à revivre. Comme pour reconnecter le monde mythique et le monde réel.

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Apparitions et Emotions

C’est d’ailleurs à ce mouvement, que participe la dynamique fantasmagorique et les Fantasmagories en particulier. Car la part mythique de la culture humaine, en deçà de ses figures récurrentes et tutélaires, ressort bien du processus fantasmagorique. Il s’agirait d’une expérience qui vient perturber les imaginaires pour susciter d’autres configurations mentales. Voire même participer à la structuration sociale.

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Scene de la terreur à Lyon

Historiquement et étymologiquement, à la fin du XVIIIe siècle, les Fantasmagories, étaient des sortes de spectacles où le public venait assister à des manifestations fantastiques. Les ordonnateurs de ces séances, les fantasmagores, jouaient autant sur les illusions produites par les lanternes magiques (provoquant des apparitions de fantômes, de spectres, ou d’esprits), que des phénomènes peu connus alors, pourtant issus d’expériences scientifiques par des manipulations physiques ou chimiques. Dans un curieux mélange d’occultisme et d’esprit scientifique, il s’agissait de provoquer de vives émotions face à des expériences multi sensorielles et immersives.

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Culte de la raison et de l’Etre Supreme



Ancêtres de l’image en mouvement, du dessin d’animation, du cinéma et de certaines « installations » artistiques contemporaines, les fantasmagories peuvent êtres vues comme des sortes de rites de passage entre ésotérisme à exotérisme. Dans le droit fil des Lumières, elles correspondent à une période charnière de la pensée moderne qui va bientôt faire triompher la raison logique au détriment de la « superstition ». Les fantasmagories apparaissent d’ailleurs juste après la période de la Terreur pendant la révolution française et les épisodes de culte de la Raison en 1793 puis de l’Etre Suprême en 1794. Période qui va aussi laisser derrière elle toute une cohorte de mythes, de légendes et d’imaginaires dont il subsiste pourtant des traces fossiles aujourd’hui.
C’est donc aussi à une tentative d’archéologie culturelle et mentale, à la fois symbolique et structurelle que Fantasmagoria peut être identifiée.
Une Odyssée initiatique
Mais Fantasmagoria a d’abord été envisagée comme une sorte de voyage, ou d’Odyssée initiatique reliant deux mondes que l’on a trop longtemps voulu séparer : le monde réel et le monde mythique.
À l’image de la grande épopée d’Homère, et donc de son héro, le visiteur-voyageur de Fantasmagoria, aura pu rencontrer dans sa déambulation Fiacoise, toute une pléiade de situations, de signes, de destinées et de fortunes. Autant de présences, d’apparitions, autant de motifs et de messages que cette publication va tenter d’identifier, de relier et de décrypter.

Pour que peut-être, au terme de ce périple, l’oracle d’une nouvelle Pithye tarnaise puisse être délivré et interprété.

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la Pythie et Appollon

Le déroulé des motifs inventés ou réveillés par les artistes invités à Fiac recompose un paysage tout à fait particulier, celui d’une cartographie cryptée aux contours et aux reliefs mouvants. Pour le visiteur de l’exposition et du livre, parcourir ce territoire revient à pratiquer un espace-temps intermédiaire, poreux, habité par des figures de transition qui sont autant de figures de passage vers le monde mythique. Comme si chaque oeuvre constituait une forme d’accessibilité ou mieux, un véritable sas.
En premier il y a la figure du guérisseur Lotois, Pierre Cappelle et de ses « mise aux arbres » qui proposent une entrée de plein pied dans le monde mythique puisque l’arbre est considéré ici comme émetteur-récepteur ou un medium entre les différentes strates des mondes visibles et invisibles.
Assez curieusement, pour ne pas dire mystérieusement, l’arbre va d’ailleurs constituer le fil rouge de Fantasmagoria à travers sa présence récurrente d’un artiste à l’autre. Comme s’il incarnait le rôle vital d’un fil d’Ariane nous guidant dans les profondeurs de mondes inconnus.
A la charnière de ces mondes il y a bien sûr les figures des ancêtres, des revenants ou des fantômes qui jouent le rôle d’interfaces en étant curieusement associés aux arbres. C’est le cas avec Céline Cléron qui va humaniser un magnifique saule pleureur en l’affublant de bigoudis géant à la mémoire de sa grand-mère. Celui aussi de Nicolas Daubanes avec ses mues d’intérieur étendues ou accrochées aux branches des arbres du terrain de golf comme autant de présences fantomatiques évoquant des dépouilles ou des suaires. Mohamed El Baz aussi va jouer de l’arbre en faisant pousser une forêt de mots dans une étrange clairière entourée de buis. Des mots qui sont aussi des chants issus de notre double mémoire collective et individuelle, réincarné par la voix. Sur l’une des images, deux mots l’emportent : « soin » et « obscur ». Prophétie ?
Le parcours traverse aussi plusieurs paysages énigmatiques habités par de curieuses présences. D’abord il y a celui du village de Fiac filmé par Isabelle Lévénez et Catherine Elmer avec une atmosphère et une lumière de fin du monde et, pour seule âme qui vive, une étrange fillette des environs qui semble sauvegarder les lieux. Pour Elsa Mazeau, c’est le fantôme d’un concept qui ressurgit, celui de la vie à la campagne avec le paradoxe des habitâts pavillonnaires standardisés qui ne gardent de naturel que l’argument de vente. À sa manière, Gilles Conan pointe aussi le rapport ambivalent que nous entretenons avec la nature et le paysage, en plantant un cimetière de tubes fluo dans le parc d’un château. Ce qui n’est pas sans rappeler l’ordre du sacrifice et du champ de bataille. Celui aussi des victimes de la barbarie humaine qui hantent et jalonnent toute l’Histoire.

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vyage au centre de la Terre
film de Henri Levin adapté du roman de Jules Verne

Les paysages hallucinants des dessins de Marianne Plo fleurent eux aussi la catastrophe et le cataclysme et peut-être, le sauvetage. Ils renvoient parfois à des paysages mythologiques et à une nature idéalisée, aseptisée et néanmoins dangereusement fantastique. Comme ces volcans en éruption qui annoncent la proposition totalement et techniquement fantasmagorique d’Arnaud Maguet et la fin du film culte Voyage au centre de la Terre qu’il a projeté de nuit sur un écran de fumée. À la manière de Mélies et des fantasmagores de la fin du XVIIIe siècle, l’artiste d’aujourd’hui fait revivre les spectres qu’il libère dans la nuit tarnaise, voyageant à travers l’espace-temps et les volutes de fumées comme s’ils nous traversaient.

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Michel Boccara et sa famille d’accueil

Les clefs de l’histoire
Un dernier invité de choix participait à l’aventure en la personne de Michel Boccara, sociologue, ethnologue et grand connaisseur du monde mythique. Le scientifique tenait un rôle non négligeable dans l’aventure puisque il avait accepté la mission de nous guider vers et à travers le monde mythique. C’est à dire, selon lui, à travers « nous-même ». Car pour Michel Boccara, faire l’expérience du vécu mythique consiste d’abord à se traverser soi-même. Il précise en parlant de la transe et du mouvement de passage qu’elle induit : « … pour communiquer avec l’autre (qu’il soit
animal, humain, défunt ou ancêtre), il faut se traverser soi-même… Dans les pratiques mythiques, cette traversée qui prend le corps comme véhicule, a souvent l’allure d’une remontée aux sources, d’un voyage vers l’origine. L’origine est le point qui figure la force générative des individus, la matrice première, le premier corps et le point d’horizon de toutes les lignes généalogiques » (2).

rituel-andin-ordre-cosmique
rituel andin de l’ordre cosmique

Michel Boccara a consacré une grande partie de son activité scientifique et littéraire à la revitalisation pratique et théorique du mythe. Une partie de ce travail a été restitué dans les actes du colloque « Le mythe : pratiques, récits, théories » dont nous reprenons ici quelques extraits.
Le vécu mythique y est décrit comme une « expérience source » et pas seulement un récit. Il s’agit d’une expérience première vers laquelle on tente de remonter à travers les sources de l’expressivité et à partir d’un premier « choc révélateur » qui est comme une catastrophe initiale, « une brisure qui ouvre la dimension du temps ». C’est pourquoi le vécu mythique bouleverse, interroge, perturbe et in fine « engendre à son tour des élans de créativité, comme si l’oeuvre offerte fabriquait en retour l’individu et la collectivité ».
Le vécu et l’expérience du monde mythique, notamment par la création, consiste à « réactualiser » ce moment qui est celui du temps initial et de « l’entrée inexorable dans l’histoire » : « l’occasion de replonger dans le temps d’avant le temps, et de dérouler à nouveau les lignes qui engagent la maîtrise de l’Histoire.
Un mouvement se dessine : celui d’une sortie de l’Histoire, pour y revenir s’y insérer ».
Alors qu’elles « interrogent les premiers moments du monde », les pratiques mythiques sont donc des « opérations d’intégration des peuples dans l’Histoire », des facteurs « d’explorations de zones transversales de zones transculturelles ». Mais aussi, à travers l’art et le jeu théâtral, « une restauration de l’ordre cosmique et des identités sociales ».
Cette double restauration conjointe (dans le sens de soin) de l’ordre naturel et de l’ordre humain est plus que jamais d’actualité. C’est en tout cas vers elle que semble avoir été dirigée l’aventure de Fantasmagoria à partir de la rencontre entre les artistes, le guérisseur et le scientifique. Gageons que c’est aussi le sens du message délivré par l’exposition-oracle. Mais seuls ceux qui sauront parler avec les arbres pourront nous le confirmer…
(1) De même que l’ensemble du projet Fantasmagoria, le monde mythique, qui a été conçu pour les dix ans des Abattoirs à Toulouse. Il s’est déroulé dans divers lieux de la région Midi-Pyrénées comme à Fiac dans le Tarn, mais aussi à Taurines dans l’Aveyron ou dans la grotte du Mas d’Azil dans l’Ariège.
Après Transrituels 1 & 2, puis Totems sans tabous, qui ont ré-instruit le processus fantasmagorique, et réouvert la porte du monde mythique, c’est ce territoire et ces dimensions que Fantsamagoria a voulu explorer plus en profondeur.
(2) Actes du colloque : Le mythe, pratiques, récits, théories, Editions Anthropos, 2002. En quatre volumes et un coffret dvd.

OPALE – TOTEMS SANS TABOUS – + si affinité 2009

OPALE

Fiac  2009  –  + si affinité  TOTEMS SANS TABOUS

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

DJ Set / OPALE

Passionnée d’Ambiant depuis plus de quinze ans, Opale fut invitée à jouer dans le désert marocain pour le festival Morocco 2001… Quelle performance magique ce fut !! Un baptême de feu qui l’engage depuis aux quatre coins du monde à partager son amour de l’Ambiant psychédélique et sa passion pour les sons downtempo de la scène transe…
À Londres, pour Chaos Unlimited, en Suisse pour le Natur’alp festival organisé par les Psyberpunk, puis Ypipoty au Brésil… Oregona en France, Shiva Moon en Allemagne, le Boom festival au Portugal, pour Pirated Machine avec les Worlds People ou à Goa…
Elle mixe aujourd’hui pour le label Ambiant Ultimae et sa panoramic family et pour Mandala records.
Interpellée par tous les mystères de la vie, grands initiateurs qui transforment nos perceptions au gré de notre Connaissance, de notre sensibilité intuitive et de notre discernement… Le Tout, saupoudré de sons magiques, subtilement mariés à des nappes d’émotion et jouant en toute complicité avec des rythmes savants, des samples d’ailleurs, des voix du monde… des plus célestes aux plus tribales… Des plus sensibles aux plus mentales.

Opale + si affinité 2009

Bruno PEINADO – TOTEMS SANS TABOUS – + si affinité 2009

Bruno Peinado

Fiac  2009  –  + si affinité  TOTEMS SANS TABOUS

Un événement de l’AFIAC

Commissaire d’exposition : Pascal Pique

Directeur artistique : Patrick Tarres

L’artiste était reçu chez Anny Vandersluy et Patrick Corbarieu.

Bruno PEINADO + si affinité 2010 Fiac Totems sans Tabous

Etang donné…
Je me souviens d’un été trop chaud à Fiac. Je me souviens de Pascal Pique me proposant de participer à ce projet. Je me souviens ne pas avoir osé refuser. Je me souviens des catalogues reçus. Je me souviens du projet d’Hippolyte Hentgen qui m’a réconforté dans mon choix d’y participer. Je me souviens de la crainte d’une trop grande proximité. Je me souviens du texte de Françoise Quardon dans un des catalogues. Je me souviens de Patrick Tarres et du choix de la date d’une première rencontre. Je me souviens d’un premier rendez-vous manqué avec mes hôtes et d’un dernier concert de Johnny Halliday. Je me souviens des premières sensations et d’une belle soirée trop arrosée au bord de l’eau. Je me souviens du beau rôti de porc au lait comme cadeau de bienvenue et des post-it sur les placards pour nous guider. Je me souviens d’une piscine bâchée devant un étang la nuit. Je me souviens du tout petit matin passé à ranger et à nettoyer notre longue soirée. Je me souviens d’une maison moderne comme dans un magazine au bord d’un étang vert. Je me souviens des sentiments mêlés. Je me souviens d’un golf vert tendre au bord de l’étang vert. Je me souviens d’un petit chalet blanc au bord d’un golf vert tendre.
Je me souviens d’un jeune homme de St-Malo et de Shakespeare au cognac. Je me souviens du chant des grenouilles et des moustiques qui ne piquent pas. Je me souviens avoir passé bien plus de temps dans le petit chalet blanc au bord du golf que dans cette belle maison de magazine. Je me souviens que mes hôtes ne pouvaient pas me loger dans leur grande maison et que je dormais dans le petit chalet tendre au bord du golf vert.
Je me souviens avoir pensé que certaines maisons étaient pour les magazines. Je me souviens de notre première rencontre avec Patrick dans ce petit chalet et de cette douce sensation de déjà se connaître. Je me souviens du goût des cigarettes espagnoles. Je me souviens du rosé bien frais au nom poétique. Je me souviens de Monique et de son accueil. Je me souviens de toutes mes conversations avec Monique et de celles avec Virginie. Je me souviens de cette sensation d’avoir comme on le dit souvent avec un point d’exclamation rencontré “quelqu’un !”. Je me souviens de cette première sensation de maison vide tournée vers un étang trop vert et de ce désir d’y amener de la vie. Je me souviens avoir pensé à Marie-Antoinette jouant les bergères, à Genève jouant à Versailles et m’être penché sur le simulacre et l’oxygénation des bassins de rétention. Je me souviens avoir pensé à un jet d’eau géant dans un étang bien trop vert et aux motifs enjoués que les cercles d’eau pourraient faire dans la vase. Je me souviens de ma première rencontre avec mes hôtes. Je me souviens de leur énergique gentillesse.
Je me souviens qu’ils auraient préféré avoir une exposition dans leur maison. Je me souviens qu’ils aimaient bien mon travail. Je me souviens que mon projet les embêtait un peu car la maison n’était pas finie et qu’il faudrait y faire passer les visiteurs. Je me souviens de la grande baie vitrée vissée à l’étang.

Bruno Peinado Totems sans tabous + si affinité 2009 Fiac
Je me souviens que même si le projet les embarrassait ils s’y sont vraiment investis et y ont participé financièrement. Je me souviens que Douste-Blazy était venu en hélicoptère voir le terrain d’à côté. Je me souviens que l’exposition serait l’occasion de pendre la crémaillère et de faire une grande fête pourleurs amis, leur famille et les golfeurs et que c’est pour cela que je ne pourrais dormir dans la maison. Je me souviens avoir pensé que mon projet était à propos dans ces enjeux de représentation. Je me souviens avoir désiré un jet d’eau versaillais déceptif. Je me souviens que je voulais que le jet d’eau jaillisse par intermittence. Je me souviens qu’il fallait attendre le jet d’eau et que j’aimais cette idée. Je me souviens de l’équipe qui est allée installer la pompe en barque. Je me souviens que mes hôtes ont payé le raccordement électrique de la pompe. Je me souviens du spectacle du premier jet d’eau. Je me souviens des dessins en cercles concentriques créés par le jet d’eau dans la vase de l’étang.

Je me souviens des commentaires heureux sur le fait d’oxygéner l’étang et du bon fonctionnement de la pièce.
Je me souviens du chant des grenouilles. Je me souviens que mes hôtes travaillaient d’arrache-pied afin que leur maison soit finie pour le vernissage. Je me souviens du projet de leur fête de crémaillère. Je me souviens que le pianiste de Nougaro devait venir y jouer du piano. Je me souviens avoir imaginé cette fête sur la terrasse face à la pièce. Je me souviens que les tables furent installées devant la maison sur la route tournant le dos à l’étang et au jet d’eau. Je me souviens que nous ne pouvions rester longtemps à la fête car ce soir là toutes les maisons s’ouvraient dans un ordre bien précis et qu’il fallait être plus ponctuel que nous ne pouvons l’être. Je me souviens des visiteurs qui se mêlaient aux golfeurs.
Je me souviens de mes hôtes qui jouaient le double jeu d’accueillir intimes et inconnus. Je me souviens que les habitants venaient voir tout autant la maison que la pièce. Je me souviens du vernissage sur la place et d’amuse-gueules amusants. Je me souviens des habitants de Fiac et des voisins de la place. Je me souviens d’un marin et de sa femme allemande. Je me souviens de Magalie souriante et de Pascal inquiet. Je me souviens de Patrick. Je me souviens de Monique qui ne voulait pas venir et qui était ravie que nous l’ayons forcée. Je me souviens de mes hôtes sur la place et de leurs habits d’été. Je me souviens de ce jeune homme brillant de St Malo qui avait bien trop chaud. Je me souviens de la conseillère de la Drac tout de blanc vêtue. Je me souviens de notre voiture de location garée sur la place. Je me souviens de quelques projets visités. Je me souviens de mon Stonehenge en bottes de paille. Je me souviens de l’agriculteur prévenant qui les a installées. Je me souviens de ce champ aux cèdres centenaires et du château d’eau timide. Je me souviens que nous étions à l’honneur sur l’affiche. Je me souviens du lendemain et des visiteurs en nombre. Je me souviens que nous étions tenus de recevoir et d’accompagner nos pièces. Je me souviens des longues heures bien trop chaudes à présenter la pièce. Je me souviens avoir désobéi et avoir fui. Je me souviens avoir pensé à cette série des années 60 où Patrick Mc Gohan est prisonnier d’un village dont les habitants sont charmants. Je me souviens des ballons qui éclatent et avoir passé plus de temps dans le chalet tendre à l’autre bout du golf. Je me souviens que mes hôtes recevaient leur famille et que je me sentais gêné de les déranger. Je me souviens de cette piscine dans laquelle nous ne nous sommes jamais baignés. Je me souviens de la touffeur. Je me souviens de cette barque brûlante et de mon tour sur l’étang devant la terrasse emplie de spectateurs. Je me souviens m’être coupé le pied en descendant de la barque. Je me souviens avoir bu mais ne pas avoir mangé avec mes hôtes. Je me souviens avoir mangé les escalopes à la crème de Monique dans le petit chalet. Je me souviens que sous le soleil nous avons bu trop de rosé au nom poétique. Je me souviens que notre conversation était toujours intense et intime. Je me souviens des chats angora de Monique dans la chaleur. Je me souviens que Virginie et moi avons éprouvé le besoin de partir avec notre voiture de location. Je me souviens que nous sommes allés à Lavaur et que résonnaient labeur et lavorro. Je me souviens que nous avons rapporté de notre escapade des chocolats et des fleurs à nos hôtes. Je me souviens de leurs réactions. Je me souviens avoir fait le tour des maisons et des expositions alors que je devais rester sur la terrasse devant ma pièce. Je me souviens de quelques pièces et du projet de Sophie Dubosc. Je ne me souviens que très peu d’art. Je me souviens de ce beau moment avec Myriam Mechita et Chloé Mons sous les pins dans l’herbe. Je me souviens de Chloé faisant du quad dans des collines comme dans un tableau du quattrocento. Je me souviens de la splendeur de ce paysage parfois semblable à la Toscane. Je me souviens des hôtes de Myriam et de Chloé. Je me souviens avoir fait aussi un tour de quad seul dans ce paysage.

Bruno Peinado Stonehedge en balles de foin rélisé par Nelly, Jean Pierre, Julien et Vincent Boyer
Je me souviens que nous avons bu des margaritas tous ensemble et que c’était fort et bien. Je me souviens de ce moment et de cette sensation d’appartenance à un groupe. Je me souviens que nous devions nous revoir le soir mais que nous nous sommes ratés et que c’était mieux comme ça. Je me souviens que ce soir là nous devions manger avec les doigts et que nous n’avions pas le choix. Je me souviens ne pas avoir apprécié ce repas. Je me souviens avoir discuté longuement avec la femme du Maire sans savoir qu’elle était la femme du Maire et que nous avons rigolé et parlé de choses fortes de la vie. Je me souviens de beaucoup de moments forts et de très longs moments d’ennui. Je me souviens avoir voulu fuir cette communauté. Je me souviens de belles rencontres. Je me souviens d’un été bien trop chaud à Fiac.
Bruno Peinado