AFIAC/Café/Performance – Fernando AGUIAR

Le Vendredi 2 Décembre 2011 au café de Fiac à 21h

Fernando Aguiar Performance au café de Fiac

Né en 1956. Vit à Lisbonne – Portugal. Une anthologie de son travail a été publiée à travers le monde et il est considéré comme le plus important lettriste de ces 20 dernières années et l’un des virtuoses de la poésie corporelle. Les actions de Fernando Aguiar tiennent à la fois de la poésie visuelle – puisqu’elles se basent sur une ordonation spatiale des lettres et des mots – et de la performance, par le jeu du corps et par l’importance qu’il prend dans le dévoilement graduel du sens.

Ses performances poétiques sont caractérisées par une construction méthodique et sémantique à travers le mouvement, les objets, le son, les éclairages, les lettres et les mots, où tous les signes visuels et linguistiques sont esthétiquement rendus possibles pour créer un nouveau langage poétique.

Depuis 1983, il a participé à environ 80 festivals internationaux de poésie à travers le monde et organisé des expositions de poésie visuelle au Portugal, en France, en Italie et au Brésil.

Traces | vidéo

AFIAC/Café/Performance Tania MOURAUD

Le Vendredi 4 Novembre au café de Fiac à 21h

AFIAC/Café/Performance Tania Mouraud au café de FiacL’œuvre de Tania Mouraud revêt des formes très différentes, tout en restant fondée sur un réel engagement social et un questionnement ontologique ; elle mobilise chez le spectateur la conscience de soi et du monde dans lequel il se trouve.

Dans les années 70, c’est par une approche analytique et intellectuelle, que Tania Mouraud mêle art et philosophie dans un travail d’abord fondé sur les mots, puis plus tard sur leur typographie, porteuse de sens en elle-même.

À cette même période, les séries de photographies que réalise l’artiste se font de plus en plus nombreuses. A la fin des années 90, Tania Mouraud crée ses premières vidéos. Les thèmes de l’angoisse et de la responsabilité au monde, sont à la base des vidéos de cette artiste, dont la vie est marquée par le deuil et par la Shoah.

La vidéo amène Tania Mouraud au domaine du son. Après des concerts avec le groupe Unité de Production qu’elle fonde en 2002, Tania Mouraud se lance aujourd’hui dans des performances live en solo. Ses récentes installations vidéo, dont le son scelle la puissance, marquent un nouveau tournant dans son œuvre.

Site internet : http://www.taniamouraud.com/

AFIAC/Café/Exposition Pablo Garcia Echantillons

Du 16 Octobre au 13 Janvier 2011 au café de Fiac

Echantillons Pablo Garcia Exposition Fiac

Mon travail se trouve à la rencontre d’une préoccupation pour l’utilisation de la mémoire d’événements historiques et d’un questionnement sur les utopies sociales et leurs mises en place. Ma démarche plastique consiste essentiellement à prélever des éléments du monde qui m’entoure. Je les fais dialoguer avec des dispositifs de monstration, et tente d’amener le spectateur à porter un regard autre sur son propre monde. Une grande partie de ces dispositifs sont orientés vers une implication physique du regardeur : les images produites sont difficilement visibles ou lisibles au premier abord. J’ajoute aussi très souvent une composante temporelle à la révélation de mes images. L’origine de ces prélèvements naît de rencontres avec des lieux, des œuvres, des livres… Je me pose en observateur à l’affût. Depuis peu, j’ai élargi cette idée de ponction à une mise en commun, confrontation de différents points de vue de collaborateurs de différents horizons dans des dispositifs évolutifs de diffusion de savoir.
A l’image de ma démarche, mes productions ne sont pas rattachées à un médium spécifique. Je choisis le mode d’expression le plus approprié à chaque projet.
Pablo Garcia

Anarchisations – Conspire aujourd’hui / Inspire demain – Patrick Tarres

Anarchisations

Conspire aujourd’hui / Inspire demain

Si vous entrez le mot anarchisation sur Google, et que vous égrenez les six premières pages, voici ce que vous pourrez lire :
Anarchisation des gouvernances et incapacitation des diploma­ties … / Cheveux longs, Anarchisation !/ Anarchisation en cours. Veuillez patienter … / Anarchisation. To have soliquid foundashes. / Anarchisation il peut se passer beaucoup de choses en douze mois, John … / Anarchisation of Egypt / Entre la jouissance déliée des pulsions et la jouissance réglée par le signifiant, il y a cette anarchisation de Thanatos, qui est bien un régime du … /

………………………….la suite …………………………..

C’est son anarchisation, exacerbant les coordonnées de la pulsion et l’érogène des bords, trouant les totalisations narcissiques closes / Il y a là anarchisation du corps où les hiérarchies, les localisations et les dénominations, l’organicité, si vous voulez, sont en train de … / Tous les efforts des Bourses du Travail de Lyon, de Grenoble et de Toulon, tendirent à dénoncer cette « anarchisation » et à …
/ L’anarchisation de la politique étrangère canadienne qui serait alors caractérisée par des voix discordantes en provenance d’une même entité … / Localement depuis longtemps et le sentiment général d’une anarchisation des pratiques / Anarchisation parallèle de la profession de guérisseur … / Il ne s’agit pas d’une mutation, mais d’une anarchisation. Lisez autre chose que ces productions stériles de l’académie française et allez … / Non sans provocation, qu’In­ternet n’est pas un outil de démocratisation comme on le présente souvent, mais un outil « d’anarchisation » … / … “guerre” avec les conséquences prévisibles (disparition progressive de l’autorité centrale suivie de l’anarchisation du pays ; etc … / … Les risques de touches aux charmes des harmonies architecturales de ses villes et de ses villages à voir cette anarchisation des … / … Nous sommes en pleine anarchisation, c’est-à-dire que cela va devenir intenable et ingouvernable. Est-il constitutionnel que moins de la … / Internet est-il un outil de démocratisation ou un outil d’anar­chisation ? … /
« Anarchisation », exacerbant les coordonnées de la pulsion et l’érogène … pulsions et la jouissance réglée par le signifiant, il y a cette anarchisation de … / L’organisation a subi 3 étapes de complexification : la récalcitrance des organisations, l’endogénéïsation des structures et des buts et l’anarchisation des … / Anarchisation des structures agraires. – Coût d’infrastruc­tures très élevés (adduction en eau potable, réseau d’alimentation électrique, … / Mais pour que l’« anarchisation » de la société ne dérape pas dans un chaotique renouveau féodal, il faut envisager une coordination centralisée des démarches … / L’anarchisation, le démembrement de la famille prolétarienne – qui ne pouvait alors se maintenir que par la forme du despotisme privé, rappelle Marx – … / Des peuples et l’anarchisation tout azimut des couches de la société civile et civique du Cameroun et notamment du Grand ensemble Sawa … / Nous continuons de progresser sur la voix de l’anarchisation de la société. A bientôt. / On rejoint l’idée de leur anarchisation, de par leur nihilisme même, qui d’ailleurs vient séparer les groupes (les deux soeurs semblent agir l’une contre …) / Ce monsieur fera pire. la gestion d’une mairie ne se résume pas à l’anarchisation des activités. si les maires successifs ont échoué, … / Creeping anarchisation won’t happen. If you think you can wait for the government to dismantle itself, piece by piece, you will wait forever … / L’anarchisation et la bidonvillisation de p-au-p n’était pas réalisé sous Franck Romain. Nos rues étaient propres , belles et sécuritaires. Que dit-on? … / … par les télécommunications c’est justement de donner un moyen génial à une « anarchisation » des consciences et des modes de gouvernement ? … / Structuralist anarchisation of the concept of the state / La désorganisation a toujours une origine traumatique et, lorsqu’elle se limite au fonc­tionnement mental, aboutit à l’isolement et à l’anarchisation des … / Centrale suivie de l’anarchisation du pays ; etc. ou la voie d’une issue honorable, c’est-à-dire celle d’une négociation globale au … / Autant j’affirme que le sens mystique de l’anarchisation de tout, jusqu’à l’air qu’ils respirent, exempte les Marx de tout souci social … / Le heula, c’est une sorte d’anarchisation ? Un droit à dire tout ce qu’on veut ? Heulà, qui m’aide à comprendre … / Malheureu­sement, pour qu’une anarchisation marche, il faut que ceux qui la mettent en place ne soient déjà pas cons … / However, they started to gradual y loose their force and in the last years several voices have heralded the « anarchisation » of poster – its … / Pour l’anarchisation de gds, libérez les belges et les exclus ! … / Poésie. Shadedly dit : c’est la revoltature !! Shadedly dit : L’anarchisation. Shadedly dit : bon, je pue j’y vais bzoux. Ina dit : MAIS OUAIS. Ina dit : … / Sur l’anarchisation souhaitable de a grande distribution et sur l’explosion indispensable de la flex-insécurité ne seront pas tombées … / C’est parce que le procédé d’anarchisation du langage, l’ironie, qu’on a relevé sous les noms … / However, the hopes for spontaneous anarchisation of the masses proved futile. The conditions of the Civil War and Intervention, … / Mais c’est encore plus de la pensée magique de croire à un anarchisation plus facile en restant dans le Cacanada, avec toute la place que … / Déstabilisation et anarchisation INTÉRIEURES au profit d’une ou plusieurs puissances étrangères ! Voulez-vous un exemple plus ou moins … / Moi je dis ça dépend de l’engagement de la population dans le processus d’anarchisation. Si on lui impose, évidemment ce sera bordel … / Et de chaudes discussions sur le mérite de l’anarchisation du monde entier. D’autres poètes prirent la scène d’assaut, déclamant des vers rabelaisiens dans …

Si l’on en croit les articles déposés sur internet, les médias et autres analystes politiques, le monde est en proie à une ‘anarchisation’ globalisée. L’anarchie assimilée au désordre, au chaos, semble focaliser toutes les peurs prétendument inhérentes à un futur incertain, consécutif à la mutation de nos sociétés. Cette vision semble osciller entre fantasme et réalité, chacun pouvant s’en saisir pour servir des propos contradictoires émanant d’obédiences politiques opposées. Les valeurs morales, politiques, l’éthique économique et sociale, la démocratie, l’équilibre écologique de notre planète … tout est sujet à des ‘anarchisations’ génératrices d’angoisses, imputables à des ‘anarchisateurs’ ne ressemblant en rien à des anarchistes.
Anarchie vient du grec « anarkhia » qui signifie « absence de chef ». Pour les anarchistes il s’agit d’établir un ordre social sans dirigeant, basé sur la coopération volontaire des hommes et des femmes libres et conscients, qui ont pour but de favoriser un double épanouissement, celui de la société et celui de l’individu qui y participe.
La mutation d’usage du mot anarchie n’est pas étrangère à une tentation dépréciative du sens initial vers la notion de désordre social. Elle n’est pas davantage fomentée pour nous donner le goût de résister à une domination unique et coercitive, ni pour nous inviter à revendiquer la multiplicité face à l’unicité.
A contrario, l’anarchiste toulousain Anselme Bellegarrigue revendiquait clairement dès 1850 dans son manifeste publié dans l’anarchie, journal de l’ordre, l’anarchie comme la base d’un ordre social.
« Ainsi l’anarchie, qui au point de vue relatif ou monarchique signifie guerre civile, n’est rien de moins, en thèse absolue ou démocratique, que l’expression vraie de l’ordre social.
En effet :
Qui dit anarchie, dit négation du gouvernement;
Qui dit négation du gouvernement, dit affirmation du peuple;
Qui dit affirmation du peuple, dit liberté individuelle;
Qui dit liberté individuelle, dit souveraineté de chacun;
Qui dit souveraineté de chacun, dit égalité;
Qui dit égalité, dit solidarité ou fraternité;
Qui dit fraternité, dit social;
Donc qui dit anarchie, dit ordre social.
Au contraire :
Qui dit gouvernement, dit négation du peuple;
Qui dit négation du peuple, dit affirmation de l’autorité politique;
Qui dit affirmation de l’autorité politique, dit dépendance individuelle;
Qui dit dépendance individuelle, dit suprématie de caste;
Qui dit suprématie de caste, dit inégalité;
Qui dit inégalité, dit antagonisme;
Qui dit antagonisme, dit guerre civile;
Donc qui dit gouvernement, dit guerre civile. »
Qu’en est-il aujourd’hui de la relation qu’entretiennent les artistes avec le politique et plus particulièrement avec les notions d’anarchie et de liberté ? Il semble que le domaine artistique constitue une sphère indépendante, permettant d’aborder ce sujet de manière directe, tout en gardant une distance nécessaire et qui lui est propre.
L’oeuvre d’art se met elle-même à distance du monde dans lequel elle évolue. Christian Ruby, docteur en philosophie, affirme que « contrairement au champ de l’art, qui réunit les institutions, la critique, les académies et la politique , les oeuvres d’art travaillent de façon autonome, en contrariant parfois les thèmes proposés par les commissaires lors des expositions. De la même façon, les oeuvres peuvent contredire le mouvement et le fonctionnement même du champ de l’art. » (France Inter journal 3 D, 19/12/2010)
De fait, nous pourrions considérer que les artistes sont des ‘ anarchisateurs ‘, dans leur rapport au politique et plus au-delà, par leur façon de dérégler notre vision du monde pour en inventer d’autres.
Les performeurs du mouvement Fluxus revendiquaient leur liberté créative en considérant l’art institutionnalisé comme un obstacle à la création de nouveaux langages. C’est face à la réalité politique et sociale des années soixante que ce mouvement vit le jour.
Plus récemment, l’anarchie et ses drapeaux noirs étaient présents au pavillon français de la Biennale de Venise avec une installation de Claude Lévêque intitulée « Le Grand Soir ». « Le Grand Soir est une chose très française que les étrangers ne connaissent pas et qui préfigure un changement de société, une rupture, l’anarchie. » Claude Lévêque.
Depuis l’an 2000, première édition de « + si affinité », l’art a exercé son pouvoir anarchisant sur le fonctionnement social du village, déréglant les rituels de rencontres. Plus d’une centaine d’habitants ont ouvert leur maison, habituellement espace intime et privé, aux artistes, aux oeuvre d’art et au public, créant ainsi une brèche vers l’autre différent et le monde. Les habitants de Fiac se rencontrent ou se redécouvrent dans les lieux publics qu’ils avaient désertés. Le café du village est devenu un lieu de parole par le biais des débats suscités par les expositions. Cette redynamisation du lien social fait naître de nouveaux projets, de nouvelles envies d’échanger et de participer à la vie de la commune. Peut-être alors pourrait-on parler d’une anarchie immanente à la simple présence de l’art au plus près de ses hôtes Fiacois.
Avec les artistes conviés à participer à cette douzième édition, nous questionnerons les limites entre art et engagement politique, art et transgression des codes culturels, religieux et moraux, plus généralement, nous explorerons les articulations entre Art et Utopies Libertaires. Utopies au sens étymologique choisi par Thomas More qui inventa ce mot en 1516 dans son livre Utopia : « qui n’est en aucun lieu ».
Telle fut donc la proposition faite aux deux commissaires invités à co-fomenter avec moi cette exposition. Jackie-Ruth Meyer qui fut associée au commissariat de
+ si affinité en l’an 2000, lors de sa première réalisation, et Pascal Pique avec lequel j’ai partagé une grande complicité pendant dix ans, au gré d’évènements tous mémorables. Ces deux partenaires ont contribué à la construction et au développement de ce projet atypique et iconoclaste qui a su faire sa place dans le paysage culturel du Tarn-Sud et bien au-delà. Je les en remercie chaleureusement.
J’ai pour ma part invité trois jeunes artistes et un philosophe. Pablo Garcia, Mehdi-Georges Lahlou et Thierry Boutonnier ont une propension commune à se placer au point d’équilibre entre ce qui est art et ce qui serait autre chose, au croisement entre la poétique et le politique, suscitant par là même des formes de provocations comme autant d’artéfacts pour notre expérience d’hommes et de femmes prétendument libres.
Avec Libertalia, Pablo Garcia a investi le grenier de Céline San-Martin et Hugues Brillant qui servait autrefois de séchoir à tabac. Des fils sont tendus de part en part dans le sens de la longueur, ils permettaient de suspendre la récolte. La charpente du lieu évoque la coque d’un bateau à l’envers. Le simple fait d’entrer dans ce navire imaginaire nous permet déjà de remonter le temps. Le geste de l’artiste sera simple. Au lieu des feuilles de tabac, des affiches noires à l’écriture rouge saturent l’espace. Le texte est la reproduction d’une lettre écrite environ en 1716 par le capitaine Bellamy et destinée à son homologue d’un navire marchand qui vient de décliner l’offre de se joindre aux pirates. Le sol du grenier est recouvert de papier blanc sur lequel sont retranscrits à la main des extraits du livre L’histoire générale des plus fameux pirates, publiée en deux volumes en 1726 par un mystérieux « Captain Johnson ». Le grand historien anglais Christopher Hill, après vingt ans d’enquête, a acquis la certitude que l’auteur n’est autre que Daniel Defoe : l’auteur de Robinson Crusoé. Lequel nous offre ici trente-huit récits véridiques qui se lisent comme autant de romans à inscrire en lettres d’or (et de sang) dans le grand livre de la révolte humaine.
L’imagerie de l’installation est complétée par la diffusion de la Dance Macabre de Saint-Saëns ; cet académicien des beaux-arts a été le premier à explorer la musique de film.
Plongé dans cet univers aux connotations à la fois romanesques et cinématographiques, le regardeur a la possibilité de décrocher une affiche et de l’emporter avec lui. Ce butin est en quelque sorte l’archétype de la théorie de la lutte des classes. Rédigé comme un pamphlet, il sonne fort dans la pénombre mystérieuse de ce vaisseau fantôme. Préoccupé par la transmission du savoir, l’artiste est coutumier des phénomènes d’apparition /disparition, ses oeuvres sont souvent spectrales ; médium de la mémoire collective, il invoque les démons de notre conscience, ces traces de notre histoire que l’oubli, la honte ou la tentation négationniste ont estompé voire effacé. Ici, Pablo Garcia a emprunté au passé la trace d’utopies sociales revendiquées par un pirate ; anarchiste au long cours.
Mehdi-Georges Lahlou nous montre également ce que nous ne voulons pas voir, savoir ou comprendre. Artiste aux images fortes et au corps engagé, ce plasticien et performeur fait feu de toute forme pour mettre en lumière les problématiques liées aux identités religieuses, culturelles ou sexuelles. Travestissant les esthétiques traditionnelles de sa double appartenance franco-marocaine, l’artiste conjugue humour et gravité avec un certain goût du risque, celui de générer le scandale, comme celui qu’il s’impose physiquement, sans tricher, mettant en tension le rapport de l’oeuvre au spectateur. À Fiac, chez Marie-Claude Cassan, Mehdi-Georges Lahlou incarne une madone portantniqab dans une posture d’extase mystique, sous un soleil de plomb, pendant trois jours à raison de sept heures par jour, sans interruption. Devout with the Niqab performance agit en diptyque avec Salât ou autoportrait dirigé. À l’intérieur de la maison, le salon est transformé en salle de prière musulmane, huit moulages en plâtre représentant le corps de l’artiste prosterné selon le culte consacré jonchent le sol. Seul, en rupture avec cette harmonie dévote, un neuvième personnage est à genou. Nul ne sait s’il s’apprête à rejoindre les autres dans cette soumission consentie, s’il hésite ou s’il résiste. Le drapé de plâtre blanc qui recouvre chacun des protagonistes de cette scène statufie cet instant ambigu. La blancheur qui baigne l’ensemble hésite entre l’évocation du deuil et celle de la pureté ; cela dépend de notre appartenance culturelle. C’est bien cette multiplication des ambiguïtés, enrichie par la complexification de nos perceptions, qui rend salvatrice l’existence de l’art contre toute tentative d’analyse prosaïque du monde. Les sujets qui préoccupent Mehdi-Georges Lahlou font trop souvent l’objet de traitements politiques des plus abscons, s’apparentant aux idéologies populistes qui gangrènent nos sociétés. Le fou du roi veille.
Avec Sempervirens, c’est un univers pour le moins étrange qui nous attend chez Natasha Brunher et Louise Daley ; une concentration de symptômes morbides, d’obscurantismes malveillants, de dangers cataclysmiques, d’euphories redoutables et j’en passe. Il faut un peu de temps pour déliter cette accumulation de monstruosités et réaliser enfin qu’à l’instar de notre capitalisme contemporain, tout est ici normal. Le malaise est seulement induit par une réduction de l’espace et du temps. Dès l’entrée nous sommes accueillis par un clip publicitaire qui vente les vertus médicinales d’une infusion de buis que nous pourrons tester après avoir patienté dans une salle d’attente. Au mur sont accrochés des documents attestant la validité du produit et les traces d’une correspondance avec les laboratoires Pierre Fabre au sujet d’une proposition de partenariat qui se serait soldée par un échec. Il ne reste plus qu’à signer une décharge pour entrer dans le jardin et goûter l’infusion. Un laboratoire est installé près d’un buis séculaire (buxus sempervirens). Le produit est préparé par un technicien en tenue aseptisée. Plus loin, près d’un bouquet d’arbres, un insectarium en verre grouille de criquets pèlerins. Cette stèle translucide et fragile repose en équilibre sur un maillet en bois posé au sol. Le suspense est total, cette boîte de pandore est intitulée Epiméthée. C’est Thierry Boutonnier qui, déguisé en laborantin, infuse le poison/ médicament dans le jardin. Artiste inquisiteur de nos pratiques capitalistes contemporaines, il les reproduit à sa manière puis les instille dans sa production artistique sous la forme de performances, d’images ou d’installations. Ailleurs, ce trublion déterminé expérimente les utopies écologiques, économiques ou politiques. Porté par une foi vivace, ce non-spécialiste assume ses échecs sans que cela n’altère ses convictions. À Fiac, le monde que nous donne à voir Thierry Boutonnier est un jardin nauséabond, chacun de nous un Épiméthée potentiel, capable d’épouser la première Pandore venue.
Au moment où je m’intéressai au travail de Christian Ruby, ce dernier questionnait depuis peu le champ du spectateur, sa trajectoire dans et par l’oeuvre d’art.
Anarchisations m’est alors apparu comme un lieu de rencontre idéal avec ce philosophe de l’esthétique et du politique. Le texte qu’il a rédigé après son expérience Fiacoise est édité dans ces pages. Je vous en souhaite bonne lecture et vous la recommande.

Patrick Tarres

 

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Commissariat :
Patrick Tarres, Directeur artistique de l’AFIAC
Pascal Pique, Directeur du FRAC Midi-Pyrénées
Jackie-Ruth Meyer, Directrice du centre d’art Le LAIT

Les artistes : Christian Ruby, Pablo Garcia, Medhi-Georges Lahlou, Thierry Boutonnier, Mathieu Beauséjour, Laurent Pernel, Estefania Penafiel Loaiza, Docteur Courbe, Magali Daniaux et Cédric Pigot

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Mehdi-Georges LAHLOU

Mehdi-Georges LAHLOU

(…) Mehdi-Georges Lahlou est l’enfant terrible d’un art qui n’existe pas. Ou pas encore, puisqu’il est en train de l’inventer. Comment peut- on être un artiste de l’interstice, aujourd’hui, quand on navigue entre nord et sud, entre différentes cultures, entre plusieurs mé- dias, entre de multiples notions entremêlées ? « Ne voyons pas le problème par le petit bout de la lorgnette », semble-t-il (omettre de) nous dire.(…)

Marie Moignard

AFIAC/Café/Performance : le 3 Décembre 2010

Traces | vidéo

 

Site Internet de Mehdi-Georges Lahlou

 

ANARCHISATIONS ~ Conspire aujourd’hui / Inspire demain – présentation

Commissariat :
Patrick Tarres, Directeur artistique de l’AFIAC
Pascal Pique, Directeur du FRAC Midi-Pyrénées
Jackie-Ruth Meyer, Directrice du centre d’art Le LAIT (Laboratoire Artistique International du Tarn).

Conspire aujourd’hui / Inspire demain

par Patrick Tarres

Si vous entrez le mot anarchisation sur Google, et que vous égrenez les six premières pages, voici ce que vous pourrez lire : Anarchisation des gouvernances et incapacitation des diploma­ties … / Cheveux longs, Anarchisation !/ Anarchisation en cours. Veuillez patienter … / Anarchisation. To have soliquid foundashes. / Anarchisation il peut se passer beaucoup de choses en douze mois, John … / Anarchisation of Egypt / Entre la jouissance déliée des pulsions et la jouissance réglée par le signifiant, il y a cette anarchisation de Thanatos, qui est bien un régime du …/

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Anarchisation et/ou émancipation du spectateur ?

par Christian Ruby, Docteur en philosophie, philosophe

Un calendrier enfin républicain et laïc substitue de plus en plus, aux cérémonies religieuses, des jours collectifs mémorables assurés dans les lieux publics. Entre la fête de la musique (30 ans désormais 1), les fêtes nationales – conçues comme des moments privilégiés de diffusion des signes, des valeurs et des symboles par lesquels les membres d’un corps politique peuvent se reconnaître 2 – et d’autres festivités encore, l’AFIAC a trouvé à loger aussi sa manifestation dans les rythmes annuels, en déterminant une autre date remarquable : le dernier week-end de juin. Toutefois, non contente de graver ses éditions successives dans le marbre de nos agendas, l’ AFIAC, à Fiac (Tarn), s’acharne à rebondir sur ce qui constitue le fond de trop nombreuses manifestations culturelles : l’instrumentalisation des oeuvres d’art. La conviction d’avoir à mettre l’art et la culture au service de valeurs d’État, et à placer la délectation artistique en moteur de la promotion d’une utilité civique quelconque, le plus souvent conditionnée par le spectaculaire, ne cesse d’assigner, partout, à l’art la vocation de graver dans le coeur des femmes et des hommes ces valeurs spécifiques, et veut sceller l’empreinte de la société sur les esprits. En contrepoint, l’AFIAC ne se contente pas d’occuper des lieux publics, elle vise à donner corps à un espace et une parole publics.

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Vive la chaosmose !

par Pascal Pique

Depuis la fin du XIXe siècle, l’art entretient une relation étroite avec l’anarchie et ses penseurs, de Proudhon jusqu’à Deleuze et Guattari. Parfois d’un point de vue politique, mais essentiellement à un niveau culturel et philosophique. Car au-delà d’une communauté d’esprit avec l’anarchie et l’anarchisme, c’est la dynamique de l’anarchisation qui semble plus concerner le mouvement de l’art. Et d’une manière profonde, intime et ontologique, plus encore peut-être qu’esthétique ou politique.

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Au Sud-Ouest, cristallisation et partage de sens

par Jackie-Ruth Meyer

Reste la jungle. La chance sauvage des affinités électives et des élections singulières, l’amitié, vertu qui manque à l’appel et que devrait célébrer notre (…) siècle en mal de principes communautaires. Ces intersubjectivités radieuses rendent encore possible la rencontre d’oeuvres, au sens large du terme. Celles qui offrent des perspectives critiques, loin des pensées prédigérées vendues et promues par la mode de tout temps et en toute saison, celles qui font de la culture un moyen de s’emparer autrement du monde pour le vouloir autre, différent,(…).

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Les artistes

Pablo Garcia, Medhi-Georges Lahlou, Thierry Boutonnier, Mathieu Beauséjour, Laurent Pernel, Estefania Penafiel Loaiza, Docteur Courbe, Magali Daniaux et Cédric Pigot, Marcus Vinicius

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ANARCHISATIONS ~ THEMATIQUE

 

Si l’on en croit les articles déposés sur internet, les médias et autres analystes politiques, le monde est en proie à une ‘anarchisation’ globalisée. L’anarchie assimilée au désordre, au chaos, semble focaliser toutes les peurs prétendument inhérentes à un futur incertain, consécutif à la mutation de nos sociétés. Cette vision semble osciller entre fantasme et réalité, chacun pouvant s’en saisir pour servir des propos contradictoires émanant d’obédiences politiques opposées. Les valeurs morales, politiques, l’éthique économique et sociale, la démocratie, l’équilibre écologique de notre planète … tout est sujet à des ‘anarchisations’ génératrices d’angoisses, imputables à des ‘anarchisateurs’ ne ressemblant en rien à des anarchistes.

Anarchie vient du grec « anarkhia » qui signifie « absence de chef ». Pour les anarchistes il s’agit d’établir un ordre social sans dirigeant, basé sur la coopération volontaire des hommes et des femmes libres et conscients, qui ont pour but de favoriser un double épanouissement, celui de la société et celui de l’individu qui y participe.

La mutation d’usage du mot anarchie n’est pas étrangère à une tentation dépréciative du sens initial vers la notion de désordre social. Elle n’est pas davantage fomentée pour nous donner le goût de résister à une domination unique et coercitive, ni pour nous inviter à revendiquer la multiplicité face à l’unicité.

A contrario, l’anarchiste toulousain Anselme Bellegarrigue revendiquait clairement dès 1850 dans son manifeste publié dans l’anarchie, journal de l’ordre, l’anarchie comme la base d’un ordre social.

« Ainsi l’anarchie, qui au point de vue relatif ou monarchique signifie guerre civile, n’est rien de moins, en thèse absolue ou démocratique, que l’expression vraie de l’ordre social.

En effet :

Qui dit anarchie, dit négation du gouvernement;

Qui dit négation du gouvernement, dit affirmation du peuple;

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EMILIE BOUVARD : Mehdi-Georges Lahlou

Mehdi-George Lahlou, perché sur ses talons aiguilles rouge vernis marche sur des oeufs, et au passage brise des c…, et effiloche quelques voiles et tapis. Performer, plus ou moins peintre, « installateur », vidéaste à coup sûr, il parvient à construire une démarche cohérente, chaloupant entre ces dangereux récifs que sont les poncifs sur le genre (sexuel), et la difficulté à élaborer un discours distancié sur l’islam comme identité. Comment perturber à nouveau le genre quand il semble que Judith Butler a tout dit, comment interroger le religieux quand le simple fait de représenter, et donc de recomposer et d’interpréter peut poser problème ? Comment toucher juste ? Irriter sans facilité ? Le travail de Mehdi-Georges est comme ses talons haut : visible et même voyant, accrochant le regard, il a aussi du style, un certain chic dans le ridicule, et tient la route.

————————–la suite——————————-

Cette tenue dans l’idiotie et l’efficacité de son travail tient au fait que Mehdi-Georges Lahlou croise ces deux problématiques, celle du genre et celle de l’identité culturelle et religieuse. Or ces deux questions sont elles-mêmes des lieux de tension, tension d’une part entre le sexe biologique inné et le genre acquis, construit individuellement et socialement, et tension d’autre part entre le culturel et le religieux. On arrive ainsi à une sorte de tableau à quatre entrées, qui permet de multiples combinaisons des pôles de masculinité et de féminité à l’islam comme religion et comme aire socio-culturelle. Les oeuvres de Lahlou semblent explorer avec constance, méthode et un certain sens comique, les points où ces tensions se heurtent, surtout par les biais de la performance, de la vidéo et de la photographie.

Prenons un exemple : en 2009, Mehdi-George Lahlou réalise deux travaux autour de la question du voile, Ceci n’est pas une femme musulmane (16cm/25cm, tirages numériques sur aluminium, 4 exemplaires), un autoportrait de l’artiste voilé, et Déshabillez moi (video installation, 03 minutes 36 en boucle), où l’on voit Mehdi-Georges se voiler et se dévoiler consciencieusement, avec une application qui fait sourire. Et en effet, l’être qui se voile, se dévoile et pose voilé est un homme, visiblement, de type arabe, poilu, barbu, et au visage dont l’inexpressivité n’est pas dépourvue d’une certaine malice provocatrice. Du coup, les discours topiques sont déjoués : évacuée la victimisation de la femme musulmane sous le voile et bousculée la masculinité virile et traditionnelle telle qu’elle se construit et est fantasmée dans le monde arabe – la voici transférée vers un autre motif topique qui s’en trouve du coup désactivé, celui de la femme voilée. cliché + cliché = 0. Tout le monde a tout faux, arabo-musulmans et judéo-chrétiens caucasiens se retrouvent dans le même sac. Sous le voile, un homme.

Mais quel homme ? Cet homme qui a le visage de l’artiste est un sportif : il réalise des exploits héroïques, saut de haies, course à pied, pèlerinages sans fin autour d’un cube noir (figurant la Qa’abah), fait ses prières avec des empilements de briques sur le dos (Prayer – Al Fatiha, Performance 30 minutes, Brussels (BE), 2008). C’est un bon artisan : il sait réaliser des motifs décoratifs arabes traditionnels (Et au rouleau ?, acrylique et divers matériaux, 29x150x250cm, 2009), et des plats marocains (Dar_koom, restaurant, performance, 2010), faisant preuve d’hospitalité. Mais le repas est pour une personne à la fois. Les motifs artisanaux sont faits « au rouleau » de façon industrielle, ce qui enfonce un coin dans le cliché touristique de l’artisan marocain gardien des traditions. Et les exploits et actes religieux sont réalisés en body et collants moulants, ou nu, avec aux pieds les fameux hauts talons vernis. Les traditions sont travesties, comme le corps de l’artiste.

Il faut s’interroger sur le travestissement. Se travestir c’est changer d’identité par le biais du costume et de la modification en général de son apparence. Le terme de « travesti » renvoie plus spécifiquement à une modification d’ordre sexuel, de genre. La travestissement est subversif dans la mesure, comme le montre Judith Butler dans Trouble dans le genre, où il génère un doute, défixe ce qui semblait être fixée et stable de toute éternité – à savoir une essence masculine ou féminine. Par capillarité et parce que le corps est le champ de bataille où s’affrontent le personnel et le politique, du genre à l’ensemble des normes, le travesti suggère une perturbation de l’ordre social tout entier, d’où son statut de marginal et l’odeur de souffre et de dangerosité qui l’entourent. Mais pour être perturbant, le travesti doit rester dans un entre-deux trouble : devenir radicalement autre, adopter par exemple un comportement « typiquement » (selon les normes de la société où il vit) féminin ou masculin, peut apparaître au contraire comme un renforcement des stéréotypes. Cet entre-deux, Mehdi-Georges Lahlou le maintient par la juxtaposition ; il est homme et porte des marques traditionnelles de virilité : poils, sexe, muscles ; il chausse aussi des talons hauts – de femme. Il est un objet de désir double et troublant. Là encore, il cumule les stigmates : tête d’homme arabe + talons hauts de vamp, stigmate + stigmate = 0, plus rien ne tient et tout fout l’camp.

Ainsi, son installation Cocktail ou autoportrait en société (70cm/40cm, impression numérique sur aluminium, 4 exemplaires, 2010) composée d’un ensemble de tapis de prières devant lesquels sont déposés des chaussures d’hommes, à l’exception d’un tapis sur lequel crânent les escarpins rouge, a choqué et a été attaqué par des partisans d’un islam traditionnel. Cette installation, très simple, était triplement perturbante :

1 une femme ne prie pas parmi les hommes : question culturelle et religieuse.

2 et si ce n’était pas une femme ? un homme ne porte pas des talons hauts ou alors ce n’est pas un homme : question de la masculinité dans le monde arabo-musulman, et ailleurs…

3 on ne pose pas ses pieds sur le tapis de prière : le blasphème du provocateur – ou de l’idiot ?

Rien ne tient ou presque : une forme de cadrage, un usage de l’idiotie, et une omniprésence du performer, trois points qui caractérisent le travail plastique de Mehdi-Georges Lahlou de façon récurrente.

Le cadre est celui d’une boîte : la boîte du « restaurant » dans laquelle on entre, mais aussi celle de l’installation exposée, dans laquelle on n’entre pas – c’est bien la vitrine de la galerie qui a été visée par ceux qui criaient au blasphème. La boîte surtout dans laquelle sont enfermées et diffusées les vidéos. La boîte de Home Sweet Home (2009), cette vidéo qui parodie un pèlerinage à la Mecque, renvoie à la boîte qui en abyme dans la vidéo figure la Qa’abah autour de laquelle marche Mehdi-George Lahlou nu avec ses talons au pied, foulant des tapis de prière. A Art Brussels, cette boîte sera posée sur un socle en fer, évoquant encore davantage prison et rigidité. Ces boîtes figurent l’enfermement de l’individu. Elles correspondent à certains plans rapprochés des vidéos. D’un point de vue formel, les angles des tapis, des boîtes, se répondent : il est question alors d’une culture qui emprisonne. Mais ces boîtes sont aussi des moniteurs, des cadres, les cadres des images, et l’enfermement est alors celui des clichés et des discours, celui des stigmates. Lahlou renvoie dos à dos les obligations culturelles, le poids des traditions, et les cliches racistes et autres auxquels cette tradition donne lieu pour une autre culture. Sortir d’une culture, c’est pour Mehdi-Georges Lahlou être confronté à une autre qui vous y renferme à nouveau. Il n’est pas question ici du choc des cultures mais plutôt d’un double enfermement.

Déprimant ? Double-bind ? Comment sortir du cercle ? Et ne pas devenir fou ? On peut alors jouer au fou, et au passage trouver un genre de soi. L’idiotie, qui est une tradition en art, est une bonne porte de sortie et elle met de la légèreté dans un travail aux contenus lourds de sens et d’enjeux. Jean-Yves Jouannais dans L’idiotie, art, vie, politique, méthode (Paris, éd° Beaux-Arts, 2003), cite Breton et définit l’idiotie comme « défiance vis-à-vis de la thèse et de la dictature de l’esprit ; contradiction portée à la culture hautaine par « une gaieté moderne » ; critique des pirouettes de la forme et de leur prétendu renouvellement au détriment de la profondeur des pensées. » On comprend ici pourquoi Mehdi-Georges vit à Bruxelles, ville marquée par la surréalisme. Faire l’idiot, c’est lutter contre la gravité, et la lourdeur des systèmes religieux et autres. Mehdi-Georges Lahlou est en permanence burlesque, grotesque, ridicule, idiot. Son corps bien fait cambré sur talons hauts adopte des postures inconvenantes. Dans la série de vidéos Stupidités contrôlées (2009), Lahlou mange une banane le Coran sur la tête, ou tient dans sa bouche un balle de tennis, une coiffe traditionnelle sur le crâne. Débile. Comment un tel fou pourrait bien provoquer de sérieuses controverses ? Quand on est extrémiste religieux, ou défenseur d’une masculinité straight et sûre d’elle-même, on ne croise pas le fer avec ce genre de joyeux drilles, ce serait au risque de perdre sa dignité et son quant-à-soi. Et d’être à son tour, ridicule. La légèreté de l’idiot fait tout passer et déjoue les censeurs, l’air de rien.

Et puis si on suit toujours Jouannais, « idiotes, idiot, signifie simple, particulier, unique. (…) Toute chose, toute personne, sont ainsi idiotes dés lors qu’elles n’existent qu’en elles-mêmes. » Il est alors possible de suggérer qu’il y a là une autre sortie du jeu de miroir et d’emboîtage des identités : la position du clown, de l’idiot qui fait sans affirmer est une position malgré tout, celle d’une singularité maximale, sortie de sa boîte. L’importance de la figure de l’artiste – Mehdi-George est acteur de toutes ses performances – dont le visage apparaît de vidéo en vidéo, de photographie en photographie, parfois démultiplié (Portrait de famille, 51cm/71cm, 4 tirages sur aluminium, 4 exemplaires, 2009), n’est pas alors le signe d’une quête narcissique de soi, mais marque plutôt le retour de l’idiot, comme un gag récurrent. Pour ma part, je serais curieuse de voir le jeune Lahlou creuser encore cette figure grotesque, et la risquer davantage. Et basculer pour de bon du côté du Merveilleux.

AFIAC/Café/Performance Réjeanne, Reine de la Nuit

Le 1er Avril 2011 au café de Fiac

AFIAC/Café/Performance Réjeanne, Reine de la Nuit

RÉJEANNE, REINE DE LA NUIT

Réjeanne est de passage au Café de Fiac. Professionnellement, elle cumule les cartes de DJ de mariage, Gentille Organisatrice du Club Med, clown en milieu hospitalier… Dans le cadre de ses loisirs, elle pratique le slam, le stand-up, le karaoké, la magie, le scoutisme… Elle joue aussi à Questions Pour Un champion sur internet, a un goût pour les déguisements, collectionne les porte-clefs publicitaires.

Réjeanne va s’installer pour une soirée au Café de Fiac. Elle va faire profiter aux habitués de tous ses petits talents: chant, danse, poésie, humour… Le tout avec enthousiasme et opiniâtreté.

Une performance de Jeanne Moynot.

AFIAC/Café/Performance Bruno Capelle & Philippe Fontes

Le 4 mars 2011 au café de Fiac

Une performance de Philippe Capelle et Philippe Fontes au café de Fiac le 4 mars 2011

Extension en vase clos

Le duo que nous propose Bruno Capelle, musicien et Philippe Fontes, vidéaste est étonnant. Comme une danse, le son et le paysage énigmatique se répondent tour à tour nous emportant ailleurs.

Ailleurs et pourtant, tout est cadré et familier.

Bruno Capelle fait vibrer 7 objets sur différents supports, le tout à peine amplifié se balance comme des métronomes irréguliers qu’il ne peut arrêter, c’est un engrenage…jusqu’au silence et jusqu’à ce que sa main répète l’action. Entre mouvement et suspension, ce ne sont que des micro-événements, des micro-variations dans lesquelles on s’immerge en même temps que dans l’image projetée sur grand écran réalisée par le vidéaste.

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